17.01.2014 • Pétrole amazonien

Au Pérou, le lobbying de Perenco contre la protection des peuples indigènes ?

La firme pétrolière franco-britannique Perenco a réussi à bloquer, avec la complicité de l’agence gouvernementale en charge du pétrole, un projet de réserve destiné à protéger des tribus indigènes vivant en isolement volontaire dans la région amazonienne du Pérou. Cette réserve aurait en effet été située sur le périmètre d’une concession pétrolière attribuée à Perenco (voir notre enquête). Le Guardian rend public plusieurs documents qui confirment les pressions exercées et le rôle de la firme pétrolière.

Publié le 17 janvier 2014

L’article du Guardian (à lire ici en anglais) détaille les manoeuvres bureaucratiques qui ont conduit à l’annulation du projet de protection des tribus isolées, et le rôle de Perenco. Extraits :

La stratégie de Perupetro [l’agence gouvernementale de promotion du pétrole] pour bloquer le projet de réserve fut également d’encourager Perenco à initier des « actions juridiques », selon une lettre écrite le 21 octobre par Benoît de la Fouchardière, directeur général de Perenco, envoyée à Milton Rodriguez Cornejo de Perupetro :

« Ceci est une réponse à la lettre qui nous a été envoyée le 3 octobre, dans laquelle vous montrez que vous partagez notre inquiétude à propos de l’avis favorable donné par le vice-ministère de l’interculturalité, et qu’en conséquence vous prévoyez d’initier des actions juridique, en nous suggérant qu’en tant que partie affectée, nous en fassions de même. »

De la Fourchardière poursuit en indiquant que Perenco a rencontré Perupetro la semaine précédente et l’a remerciée pour son « attention diligente » pour « un enjeu si important », en demandant à être informée de l’évolution de la situation. En ce qui concerne la suggestion de Perupetro d’initier une « action juridique », de la Fouchardière écrit que la « solution légitime » serait que le Ministère de la culture annule le mémo [ce qu’il a ensuite fait, non sans que le vice-ministre concerné ait démissionné entre-temps]. (...)

Pendant ce temps, Perenco a continué ses activités dans le lot 67, au coeur de la réserve projetée. Le 5 décembre, le jour même de la réunion de la commission plurisectorielle [qui devait valider le projet de réserve, avant que le sujet ne soit retiré de l’ordre du jour], le président du Pérou Ollanta Humala visitait la concession pour célébrer le début de la production de pétrole.

Une loi adoptée par le Pérou en 2006 déclare que les zones réservées aux tribus en isolement volontaire doivent rester « intangibles », mais une clause spéciale, qui pourrait être contradictoire avec le droit international, autorise l’exploitation des ressources naturelles si celle-ci relève de la « nécessité publique » - statut accordé en 2009 aux opérations dans le lot 67.

Contactée par le Guardian, Perenco n’a pas souhaité répondre. Comme le rappelle notre enquête, la firme pétrolière a toujours nié l’existence de tribus indigènes en isolement volontaire sur le périmètre de sa concession.

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Photo : Indepa/EPA via The Guardian

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