19.05.2015 • Climat

Charbon, le côté obscur des entreprises énergétiques françaises

L’image des deux champions français de l’énergie, EDF et GDF Suez (rebaptisé Engie) n’est pas communément associée à celle du charbon. Il y a déjà fort à faire avec le nucléaire. Pourtant, ces deux entreprises possèdent une cinquantaine de centrales au charbon sur tous les continents. Leurs émissions de gaz à effet de serre cumulées représentent la moitié de celles de la France. EDF et Engie semblent prêtes à continuer sur une telle lancée en construisant de nouvelles centrales à charbon. Les associations dénoncent l’hypocrisie de l’État français, qui détient des participations majeures dans les deux entreprises.

Publié le 19 mai 2015 , par Olivier Petitjean

« Alors que François Hollande parcourt la planète en multipliant les appels à action pour lutter contre le changement climatique, la France pollue allègrement à l’étranger via ses entreprises à capital public. » Un rapport publié ce jour par les associations Oxfam France et les Amis de la Terre dénonce les investissements des principales entreprises énergétiques françaises, EDF et Engie (ex GDF Suez), dont l’État détient respectivement 84% et 33%, dans le secteur du charbon au niveau mondial.

La combustion du charbon est tenue pour responsable de plus du tiers des émissions globales de gaz à effet de serre. C’est pourquoi il constitue la cible prioritaires des écologistes et des militants du climat. Ces derniers cherchent à obtenir de la part des entreprises énergétiques, des institutions financières publiques et des banques des engagements de désinvestissement du charbon, sinon de toutes les énergies fossiles. Et ils ont déjà obtenu quelques victoires significatives [1].

Des investissements significatifs

Nucléaire oblige, la production d’électricité à partir du charbon est marginale en France. Mais les deux champions français de l’énergie ont acquis des intérêts dans des centrales à charbon ailleurs en Europe et dans le monde. Pire encore, il sont impliqués dans des projets de nouvelles centrales au charbon, par exemple en Serbie pour EDF (lire notre enquête) ou en Afrique du Sud pour GDF Suez/Engie. Cette dernière opère des centrales parmi les plus inefficientes et polluantes au monde, par exemple celle de Hazelwood en Australie ou celle de Vado Ligure en Italie (lire notre article). EDF n’est pas en reste avec ses centrales en Pologne et au Royaume-Uni qui figurent parmi les plus sales d’Europe. Le groupe public a même fait pression sur les autorités nationales et européennes pour atténuer les normes de qualité de l’air ou obtenir des exemptions afin de continuer à les faire fonctionner (lire nos articles ici et ici).

Au total, les associations, qui ont collaboré avec l’université d’Oxford pour la réalisation de leur rapport, recensent 46 centrales au charbon directement opérées par les géants français dans le monde, 16 pour EDF et 30 pour Engie, lesquelles émettent chaque année 151 millions de tonnes de CO2 dans l’atmosphère, « l’équivalent des émissions du Vietnam et environ cent fois les émissions du Togo ».

« Hypocrisie française »

EDF et Engie se défendent en faisant valoir qu’ils répondent à une demande des gouvernements concernés et que leurs nouvelles centrales sont plus « propres » que les anciennes. En fait, elles restent nettement plus polluantes que les autres formes de production d’électricité. En plus de consommer énormément d’eau, la combustion du charbon a aussi des impacts sanitaires majeurs pour les riverains des centrales : une étude récente estimait le nombre de décès prématurés dus au centrales à charbon au Royaume-Uni à 1600 par an, à quoi s’ajoutent plus de 3 milliards d’euros de dépenses de santé supplémentaires. Sans même parler des conditions d’extraction du charbon dans des pays comme la Colombie. Contrairement aux excuses avancées par les entreprises, ces nouvelles centrales servent généralement à assurer les besoins en électricité des installations industrielles ou minières, non à améliorer l’accès à l’énergie des plus démunis.

L’engagement d’EDF dans le charbon au niveau mondial a contribué à l’augmentation de ses émissions cumulées de gaz à effet de serre au fil des années, alors même que le groupe affiche son ambition de diviser par deux ses émissions en France d’ici 2016. Pour les associations, c’est l’exemple même du « double standard » appliqué par les firmes énergétiques tricolores et, au-delà, par l’État français. François Hollande a pris des engagements forts en termes de fin des aides publiques au charbon, mais de nouveaux projets de centrale portés par des entreprises publiques - EDF et Engie, mais aussi Eramet qui veut en construire une en Nouvelle-Calédonie pour alimenter son usine de nickel - continuent de voir le jour.

Olivier Petitjean

Localisation des centrales à charbon d’EDF, qui, avec 69 millions de tonnes de CO2 par an, émettent autant de gaz à effet de serre que l’Autriche ou la Colombie
Localisation des centrales à charbon d’Engie, qui, avec 81 millions de tonnes de CO2, émettent autant de gaz à effet de serre que les Philippines

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Photo : Amis de la terre (action avec le collectif Lumen au siège d’EDF le 18 mai 2015 au soir)

Boîte Noire

Le rapport des Amis de la Terre et Oxfam France, « Émissions d’État », est disponible ici.

Notes

[1Pour ce qui est du secteur privé, notamment l’entreprise italienne Enel Endesa ou l’allemande E.On, Bank of America ou, désormais, le Crédit agricole, qui doit annoncer lors de son Assemblée générale du 20 mai 2015 son retrait du secteur du charbon. Toutes ces annonces restent imparfaites.

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