21.01.2020 • Dans l’actualité

Davos : le sommet de l’hypocrisie

Pour ses 50 ans, le Forum économique mondial réuni à Davos publie un manifeste qui glorifie le rôle des entreprises multinationales en les dédouanant de toute responsabilité historique dans l’aggravation du réchauffement climatique, la montée des inégalités ou l’évasion fiscale généralisée. En partenariat avec Attac France, nous publions une note inédite pour mettre en lumière ces responsabilités, et le grand écart entre les beaux discours de Davos et la réalité des chiffres. Exemple dans l’extrait ci-dessous : entre le 1er janvier 2020 et l’ouverture du Forum de Davos, les patrons du CAC 40 ont déjà empoché huit fois ce qu’un salarié français gagne en moyenne pendant toute une année.

Publié le 21 janvier 2020

Le 3 janvier à 11h51, le patron moyen du CAC40 avait déjà gagné autant d’argent que le salarié moyen français gagnera en toute une année. Il lui aura suffi de travailler un peu moins de 11 heures pour empocher ce que ses concitoyens atteindront péniblement au bout de toute une année de labeur.

Si ce patron moyen du CAC40 se rend – comme c’est le cas de plusieurs d’entre eux – au Forum économique mondial de Davos pour discuter des grands problèmes de la planète, il aura déjà eu le temps de gagner plus de 8 fois ce que gagne le salarié français moyen en toute une année.

Pour certains patrons du CAC40, comme le PDG du groupe de luxe Kering, François-Henri Pinault, la disproportion est encore plus forte. Ayant touché pas moins de 21 873 974 euros l’année dernière, il ne lui aura fallu qu’un peu moins de 2 heures et 48 minutes pour gagner autant que le salarié ou la salariée français moyens. Le 2 janvier à 11h48, l’héritier de la famille Pinault aurait pu ranger ses affaires et repartir en congés pour 363 jours et demi, et toujours gagner autant qu’eux.

Et encore ce chiffre n’inclut-il que sa rémunération au titre de PDG de Kering. Si l’on y ajoutait les dividendes perçus au titre de l’année 2018 via ses actions dans le groupe, il n’aurait pas eu besoin de 2 heures et 48 minutes pour empocher le salaire moyen annuel d’un Français ou d’une Française, mais... 6 minutes.

Une goutte d’eau n’éteindra pas l’incendie planétaire

François-Henri Pinault ne se rendra pas à Davos cette année. Mais son groupe s’est montré sensible à l’un des dossiers brûlants – c’est le cas de le dire – qui occupent les discussions dans la station de luxe suisse : les immenses incendies qui frappent l’Australie. L’ensemble des marques de Kering ont promis de donner un million de dollars pour remédier au désastre. Une somme qui correspond environ à 1/1659e des dividendes et rachats d’actions de Kering en 2018 (1489,9 millions d’euros). En d’autres termes, 1 million de dollar c’est ce que les actionnaires de Kering ont gagné en 5 heures et 15 minutes. On rappellera que depuis la signature de l’Accord de Paris sur le climat, les émissions de gaz à effet de serre du groupe Kering ont augmenté de 17%.

Les mêmes qui s’accaparent ainsi les richesses sous forme de dividendes ou de rémunérations astronomiques peuvent-ils prétendre aider à résoudre les problèmes sociaux et environnementaux qu’ils ont eux-mêmes créés ? Le CAC40 pourra-t-il encore longtemps prétendre se soucier du climat et de la cohésion sociale alors qu’ils continue dans le même temps à supprimer des emplois en France, qu’il a produit des centaines de millions de tonnes de déchets en 2018 (un chiffre en hausse de 17% d’une année sur l’autre) et que moins d’un tiers de l’indice boursier parisien a effectivement réduit ses émissions de CO2 depuis la COP 21 ?

C’est l’illusion de moins en moins tenable que prétend incarner le Forum économique mondial de Davos. Le fonds d’investissement BlackRock, pilier de Davos – et au centre d’une polémique pour son rôle dans la réforme contestée des retraites en France –, a fait la une de la presse mondiale en annonçant (encore une fois) un réalignement de ses investissements pour tenir compte de l’enjeu climatique. Mais l’annonce se traduira en réalité seulement par des changements très minimes dans les portefeuilles qu’il gère. On reconnaîtra au PDG de Total, Patrick Pouyanné, le mérite d’un peu plus de franchise, lorsqu’interrogé sur la pression des investisseurs comme BlackRock, il a répondu : « Les actionnaires... ce qu’ils veulent surtout s’assurer [sic], c’est la durabilité de nos dividendes. »

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Photo : US Embassy, Licence CC 2.0, via Wikimedia Commons.

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Lire l’intégralité de la note publiée par Attac en partenariat avec l’Observatoire des multinationales : Le Forum de Davos attise l’incendie planétaire.

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