11.04.2014 • Conflit social

Des ouvriers algériens de Lafarge en grève de la faim depuis plus d’un mois

Seize employés algériens de Lafarge sont en grève de la faim depuis plus d’un mois devant la cimenterie d’Oggaz, dans la région d’Oran. Ils protestent contre leur licenciement et les poursuites judiciaires engagées contre eux par l’entreprise française, suite à un mouvement social.

Publié le 11 avril 2014 , par Olivier Petitjean

Fin 2013, la direction de l’usine a suspendu dix-sept ouvriers, leur reprochant d’avoir « interdit l’accès de l’usine aux employés désireux de travailler » et « mis en danger l’intégrité des installations industrielles » [1]. Elle a aussi engagé des poursuites judiciaires contre les employés concernés, leur réclamant plus de deux millions d’euros chacun de dommages et intérêts.

À l’origine de ce conflit, l’échec de négociations sociales entre la direction et les ouvriers engagées l’année dernière. Les grévistes de la faim accusent l’inspection du travail et même l’UGTA (la centrale syndicale officielle) d’avoir exercé des pressions sur eux pour mettre fin à leurs revendications. Ils ont alors organisé une manifestation dans l’usine à l’occasion d’une visite de l’ambassadeur de France et du wali (préfet) de Mascara. C’est suite à cette manifestation que le directeur de l’usine (Éric Delquignies, un Français) aurait décidé de sanctionner les meneurs et d’initier des poursuites.

Seize des dix-sept ouvriers suspendus ont décidé de s’installer dans des tentes devant les portes de la cimenterie et d’entamer une grève de la faim pour obtenir leur réintégration, le versement des salaires non versés, et le retrait des plaintes. Leurs proches et leurs familles se sont mobilisés pour les soutenir et dénoncer le silence des autorités locales et du syndicat officiel, en organisant le blocage de routes ou encore celui de l’entrée de l’usine.

Contactée par l’AFP, la direction du groupe français à Alger se refuse à tout commentaire, invoquant la procédure judiciaire en cours [2]. Les diverses plaintes déposées par Lafarge Algérie ont débouché sur des non-lieux (sauf deux condamnations avec sursis pour « entrave à la liberté du travail », dont les employés concernés ont fait appel), mais l’entreprise a fait appel de ces décisions.

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Un conflit qui s’enlise

Le bureau d’Oran de la Ligue algérienne des droits de l’homme (LADDH) a organisé un rassemblement de soutien aux grévistes des la faim. Dans un communiqué, la LADDH dénonce « l’acharnement judiciaire dont fait preuve Lafarge, qui continue d’instrumentaliser la justice » et le « silence des autorités ». Un sit-in de soutien a également eu lieu à Alger devant le siège de Lafarge Algérie.

Oggaz, entre Oran et Mascara, est l’une des trois cimenteries du groupe Lafarge en Algérie, qu’il a rachetée en 2008. Selon des proches des grévistes, « la cimenterie comptait 800 travailleurs, et actuellement, elle n’en compte que 570 [...]. Les responsables de Lafarge sont lancés dans une véritable dynamique de réduction des effectifs qui va à l’encontre de leurs engagements lors de la reprise du site. »

Selon l’union syndicale Solidaires, qui a apporté son soutien aux ouvriers algériens, « alors que la production du site n’a cessé d’augmenter pour atteindre des niveaux record, les ouvriers ont à subir une augmentation des charges de travail, l’arrogance de la direction et l’abandon des promesses de participation aux bénéfices sous forme de primes ».

Déjà en décembre dernier, trois des ouvriers concernés avaient tenté de s’immoler par le feu à l’occasion d’une visite du consul général de France à la cimenterie.

Olivier Petitjean

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Photo : source

Notes

[1Source.

[2Selon la presse algérienne, Lafarge aurait tenté de mettre fin à l’affaire en négociant un départ à l’amiable et en demandant aux employés protestataires de rédiger une lettre d’« excuses » - ce qu’ils ont refusé. Les grévistes accusent aussi Lafarge de multiplier les plaintes factices contre eux pour les faire convoquer devant les enquêteurs ou les juges et les forcer ainsi à quitter les lieux.

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