08.07.2014 • Énergies fossiles

Ilana Solomon : « En matière d’énergie et de climat, le TTIP nous entraîne exactement dans la mauvaise direction. »

On parle beaucoup des méfaits potentiels du projet de traité transatlantique de commerce et d’investissement pour l’Europe et ses régulations. Mais de l’autre côté de l’Atlantique, ses conséquences pourraient être tout aussi désastreuses, notamment en ce qui concerne l’enjeu des gaz et pétrole de schiste. Ilana Solomon dirige le programme « Commerce responsable » du Sierra Club, l’une des principales organisations écologistes américaines. Elle était récemment de passage en France pour faire connaître l’opposition d’une grande partie de la société civile américaine au projet de traité transatlantique. Entretien.

Publié le 8 juillet 2014

Comment le Sierra Club, l’une des plus importantes organisations écologistes des États-Unis, en est-il venu à s’intéresser à la question des accords commerciaux internationaux ?

Le Sierra Club est la plus ancienne et la plus grande organisation environnementaliste de masse des États-Unis. Il a été fondé en 1892 par John Muir. Aujourd’hui, nous avons 2,4 millions de membres et de sympathisants dans tous les États-Unis. Notre pouvoir repose sur notre capacité à mobiliser cette base, à travers une combinaison d’investigation et de plaidoyer. L’une de nos principales campagnes à l’heure actuelle porte sur le changement climatique, avec l’objectif d’amener les États-Unis au-delà du charbon, au-delà du pétrole et au-delà du gaz, vers une économie basée sur les énergies renouvelables.

Cela fait vingt ans que nous avons un programme spécifique sur le commerce international. À l’époque de l’adoption de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA, ou NAFTA en anglais : North American Free Trade Agreement), nous avons commencé à nous intéresser à la manière dont le modèle commercial dominant réduit la capacité des États-Unis à s’attaquer au changement climatique et à d’autres enjeux sociaux et environnementaux. Nous nous sommes opposés à l’ALENA, puis à tous les accords commerciaux similaires qui ont été conçus depuis, jusqu’à aujourd’hui avec le projet de Partenariat transatlantique sur le commerce et l’investissement (TTIP en anglais : Transatlantic Trade and Investment Partnership) entre les États-Unis et l’Union européenne.

Le TTIP est un accord que sur le principe nous serions ravis de soutenir, si les deux parties pouvaient se mettre d’accord sur des standards communs solides. Initialement, nous n’y étions pas opposés. Mais après avoir lu tous les documents qui ont été rendus publics aussi bien du côté américain que du côté européen, il nous paraît évident que ce nouvel accord se situe dans la lignée de l’ALENA et des accords du même genre. Les entreprises multinationales qui conseillent les négociateurs américains avancent des propositions très concrètes qui visent à augmenter leurs profits aux dépens des valeurs sociales et environnementales.

Pourquoi les accords commerciaux tels que l’ALENA ou le TTIP vous semblent-ils préjudiciables pour l’environnement ?

Les accords de ce type incluent généralement un chapitre spécifique intitulé « environnement et développement durable », qui traite de questions telles que les stocks de poisson, la chasse ou la conservation. Ces questions sont certes importantes, mais le principal impact sur l’environnement des accords commerciaux ne se trouve pas dans ce chapitre purement « environnemental » ; il se trouve dans les chapitres sur l’énergie et le commerce, les règles d’investissement, l’agriculture, les standards techniques et l’étiquetage, etc.

On retrouve un certain nombre de problèmes identiques dans tous les accords de commerce envisagés par les États-Unis. En premier lieu, ils sont conçus et négociés dans le plus grand secret. Le public et la société civile n’ont pas accès aux informations. En revanche, les grandes entreprises comme Chevron ou Halliburton sont étroitement associées aux négociations à travers les instances officielles consultatives qui assistent le gouvernement en matière commerciale.

Une autre raison de s’opposer aux accords comme le TTIP sont leurs dispositions relatives aux investissements, qui donnent de nouveaux droits et de nouveaux privilèges à ces mêmes grandes entreprises qui conseillent nos négociateurs. Ces dispositions permettent aux entreprises de poursuivre les gouvernements devant des tribunaux arbitraux privés, et de demander compensation pour toute politique dont ces entreprises considèrent qu’elle contribue à réduire ses profits. C’est symbolique de tout ce qui va mal dans notre système commercial, mais c’est aussi plus que symbolique. On a déjà vu des entreprises mettre en cause les politiques énergétiques ou de lutte contre le changement climatique mises en place par des gouvernements.

En septembre 2013, nous avons vu le premier cas concernant directement la fracturation hydraulique. Une entreprise énergétique canadienne avec une petite filiale dans l’État du Delaware aux États-Unis, Lone Pine Resources, a poursuivi le Canada devant un tribunal commercial privé et réclamé 250 millions de dollars de dédommagement simplement parce que la province du Québec avait mis en place un moratoire sur la fracturation hydraulique. Or c’est précisément ce que revendiquent les groupes locaux du Sierra Club dans tous les États-Unis : des moratoires sur la fracturation hydraulique. Ce n’est qu’un exemple des conséquences que peuvent désormais avoir ces règles relatives aux investissements. N’importe quelle mesure d’intérêt général pourrait se trouver mise en cause. Nous avons déjà compté pas moins de 550 procédures intentées contre 95 gouvernements, et ces procédures sont de plus en plus utilisées pour mettre en cause des politiques d’intérêt général.

Comment, concrètement, l’ALENA a-t-il nui à la régulation environnementale aux États-Unis, au Canada ou au Mexique ?

De plusieurs manières. On a assisté à une prolifération de poursuites relatives à l’environnement dans le cadre de l’ALENA, principalement à l’encontre du Canada et du Mexique. Les États-Unis ont également été poursuivi une quinzaine de fois, mais n’ont jamais perdu pour l’instant. Le Canada et le Mexique, en revanche, ont perdu plusieurs fois. Pour donner un exemple, le Canada voulait mettre en place une interdiction temporaire de substances toxiques connues sous le nom de PCB. Le pays cherchait d’ailleurs simplement à respecter ses obligations internationales, puisqu’il avait signé un traité à cet effet. Cela n’a pas empêché une entreprise américaine de le poursuivre, et le Canada a perdu. Il y a également de nombreux exemples au Mexique, particulièrement dans le secteur minier. Le gouvernement mexicain essayait de mettre en place de nouvelles obligations en matière de déchets miniers toxiques, mais il a dû payer des millions de dollars aux entreprises concernées. On estime, à l’heure actuelle, à environ 12 milliards de dollars le montant total des compensations réclamées par les grandes entreprises dans le cadre de l’ALENA. Les entreprises ont tout intérêt à utiliser un tel système.

Un autre type d’impact négatif sur l’environnement est la manière dont l’ALENA a cimenté au Mexique le processus de libéralisation du secteur agricole, d’élimination des aides aux petits paysans, et de développement d’une agriculture orientée vers l’exportation. Le Mexique était très dépendant de l’agriculture, en particulier l’agriculture de subsistance. Pour préparer l’entrée en vigueur de l’ALENA, le gouvernement avait déjà engagé une politique de réduction des soutiens aux petits producteurs. Lorsque l’accord est entré en vigueur, l’agrobusiness a connu une forte expansion, principalement pour produire des fruits et des légumes à forte valeur ajoutée pour les marchés américain et canadien. Les petits paysans n’étaient pas compétitifs et beaucoup ont dû défricher davantage de terres pour tenir le coup. Cela a entraîné davantage de déforestation, une surexploitation des ressources en eau dans des zones déjà semi-arides, et des importations massives de pesticides et d’engrais, qui ont dégradé l’environnement.

Soutenez l’Observatoire

Parce que le débat démocratique mérite mieux que la com’ du CAC 40.

Faites un don

Aux États-Unis, il y a eu une sorte d’alliance entre le mouvement syndical et une partie du mouvement écologiste sur les questions commerciales depuis les années 1990 et la lutte contre l’ALENA. Est-ce encore le cas aujourd’hui contre le TTIP ?

Il est vrai qu’aux États-Unis, particulièrement en matière d’accords commerciaux, le mouvement syndical et le mouvement environnementaliste sont sur la même ligne. Nous avons combattu ensemble l’expansion de l’Organisation mondiale du commerce à Seattle en 1999. On parlait alors des « teamsters and turtles » [l’alliance des syndicalistes et des « tortues », symbolisant les écologistes]. Nous avons une longue histoire de travail commun et de solidarité dans ce domaine, et cela continue aujourd’hui avec la lutte que nous avons engagée contre plusieurs nouveaux accords commerciaux de grande envergure.

Car il faut savoir qu’aujourd’hui, aux États-Unis, nous sommes aussi confrontés à un autre grand projet d’accord commercial, le Partenariat trans-Pacifique (TPP en anglais : Trans-Pacific Partnership). Cela fait quatre ans qu’il est question de cet accord, qui est de fait une expansion de l’ALENA à neuf nouveaux pays de la bordure de l’Océan Pacifique [1]. Le combat contre le TPP associe des syndicalistes, des écologistes, des défenseurs des consommateurs, des organisations paysannes. Aujourd’hui, ces mêmes acteurs tournent leurs regards du côté de l’Europe et du TTIP. Ils sont d’autant plus inquiets que la société civile américaine tend souvent à considérer l’Union européenne comme beaucoup plus « avancée » et beaucoup plus ambitieuse que les États-Unis. Cela vaut, par exemple, en matière de politique climatique, ou encore en matière de régulation des produits chimiques. Même si le programme européen REACH est loin d’être parfait, il reste bien meilleur que son équivalent américain, le TSCA, qui est complètement dépassé. Idem en ce qui concerne l’alimentation : les politiques européennes, qu’elles concernent l’interdiction ou l’étiquetage des OGM, les restrictions sur les poulets chlorés, etc., sont plus avancées. La société civile américaine voit le TTIP comme un risque de régression pour ces politiques européennes plus progressistes, ce qui en retour aurait pour effet de réduire les possibilités de progrès aux États-Unis.

Il semble aussi y avoir une sorte d’alliance de fait sur ces questions avec la frange la plus conservatrice des Républicains. L’administration Obama a-t-elle réellement une chance de faire approuver ces accords commerciaux par le Congrès et le Sénat ?

C’est vrai, l’opposition à ces accords commerciaux traverse les frontières de parti, tout comme le soutien à ces accords. C’est l’un des seuls enjeux aux États-Unis actuellement à transcender la polarisation entre Démocrates et Républicains. La partie la plus progressiste du Congrès se retrouve sur une position apparemment proche de la partie la plus conservatrice, celle des Républicains du tea party, qui eux aussi sont inquiets de ces projets, pour des raisons très différentes. Cependant, il existe une procédure accélérée dite fast-track qui a pour objet de faciliter l’adoption des accords commerciaux en empêchant le Congrès de se positionner sur le fonds de ces accords et de s’assurer qu’ils protègent adéquatement le public et l’environnement. Le Sierra Club et ses alliés sont totalement opposés à cette procédure.

Vous avez déjà eu l’occasion de souligner [2] que l’un des impacts potentiels du TTIP sera de relancer l’industrie du gaz de schiste aux États-Unis, en lui ouvrant le marché européen.

Nous avons vu une version « fuitée » du chapitre Énergie proposé par les négociateurs européens. La proposition européenne entraînerait une augmentation des exportations américaines d’énergies fossiles vers l’UE – notamment du gaz, mais aussi du pétrole – et cherche à restreindre la capacité des gouvernements à mettre en place les politiques qu’ils jugeraient nécessaires pour assurer une transition énergétique. Elle cherche aussi à interdire toute clause de « préférence locale » dans les programmes de promotion des énergies renouvelables. Nous estimons qu’il s’agit d’une proposition extrêmement dangereuse. Il en résulterait un accroissement sans précédent de la pression pour forer toujours plus à la recherche de pétrole et de gaz sur le sol américain, tout en supprimant la possibilité pour l’administration fédérale de seulement analyser si les exportations de gaz et de brut sont dans l’intérêt public. Et il me semble qu’elle nuirait aussi à l’UE et à sa transition énergétique, dans la mesure où la construction des infrastructures nécessaires pour recevoir, traiter et acheminer le gaz et le pétrole américains nécessitera des centaines de millions de dollars d’investissements, qui devraient plutôt servir à développer l’énergie propre.

Il y a beaucoup de questions à propos des exportations de gaz de schiste. Des entreprises européennes comme GDF Suez investissent dans des infrastructures de gaz naturel liquéfié (GNL) pour pouvoir exporter le gaz de schiste en Europe ou ailleurs. D’un autre côté, il ne paraît pas très profitable économiquement dans les conditions actuelles d’exporter du gaz en Europe. Il est bien plus avantageux de l’envoyer en Asie. Est-ce l’un des enjeux sous-jacents au TTIP – créer des conditions économiquement plus favorables pour l’exportation de gaz de schiste vers l’Europe ?

Je ne suis pas économiste, mais il est vrai que le prix du gaz est extrêmement bas actuellement aux États-Unis, en raison de l’approvisionnement excédentaire entraîné par le boom du gaz de schiste. Il est environ de 3 dollars par BTU. En Europe, il est à peu près le triple de ce prix, tandis qu’au Japon, par exemple, il est encore multiplié par deux par rapport au prix européen. Même si l’Union européenne cherchait à importer du gaz de schiste américain, la décision de savoir où part le gaz reviendra toujours aux investisseurs et aux entreprises concernées, et la plupart chercheront à le vendre en Asie. Mais l’autre aspect de la question, c’est que dès que les États-Unis commenceront à exporter leur gaz – ce qui n’a pas encore eu lieu – le prix du gaz y remontera mécaniquement. Selon certaines estimations, dans les hypothèses maximales d’exportations, le prix domestique du gaz pourrait même tripler aux États-Unis dans les prochaines années. Certains acteurs pensent qu’un gaz plus cher favorisera les énergies renouvelables, mais, en fait, les modélisations concluent que cela favorisera surtout le charbon.

On a l’impression depuis l’Europe que l’industrie du gaz de schiste rencontre de plus en plus de résistances aux États-Unis même, de la part des communautés affectées et même des autorités publiques qui commencent à se soucier de son impact environnemental. Peut-il vraiment y avoir une relance du gaz de schiste aux États-Unis ?

Il est exact qu’il y a de plus en plus de résistances dans tous les États-Unis, et que dans certains cas cette résistance est victorieuse, que ce soit à travers la mise en place de restrictions de zonage, de moratoires, ou de régulations qui rendent la fracturation hydraulique économiquement non viable. C’est précisément pour cette raison que les exportations sont devenues une question de survie pour l’industrie du gaz de schiste. Le prix du gaz a tellement baissé que cette industrie ne fait plus de profits. Le TTIP et le TPP (qui inclut le Japon, principal importateur mondial de gaz) faciliteraient et accéléreraient les exportations de gaz vers tous les principaux clients potentiels dans le monde. Ce qui créerait en retour une pression énorme pour étendre le gaz de schiste et la fracturation aux États-Unis. Il faut se souvenir qu’à l’heure actuelle, l’industrie du gaz de schiste est toujours exonérée de fait de toute obligation au regard du Clean Air Act et du Clean Water Act, les deux grandes lois américaines sur la protection de l’air et de l’eau. Donc même si la résistance s’accroît, la pression politique exercée par l’industrie du gaz de schiste se renforce elle aussi.

Le TTIP commence seulement à attirer l’attention des médias et du public en Europe, notamment dans le cadre de la campagne récente des élections européennes. Qu’en est-il aux États-Unis ?

Pendant longtemps, cette question est restée très marginale, mais c’est en train de changer, particulièrement à propos du TPP dont le processus de négociation est plus avancé. Nous avons fait réaliser un sondage dernièrement : significativement, la majorité des Américains pense que l’ALENA a été mauvais pour les États-Unis, en raison des pertes d’emplois. On estime à 700 000 le nombre d’emplois supprimés aux États-Unis à cause de l’ALENA. L’opinion publique est également défavorable au TPP et aux autres grands accords commerciaux du même type. L’administration Obama sait très bien que ces accords ne sont pas soutenus par le public. C’est précisément pourquoi ils mènent les négociations dans le plus grand secret. Très peu d’informations filtrent vers le public et les médias. Nous nous efforçons de jouer notre rôle en portant cette information à la connaissance de nos membres, mais cela reste un enjeu qui ne bénéficie pas de toute l’attention qu’il devrait. Dès que vous expliquez aux gens de quoi il s’agit, ils sont très inquiets des conséquences potentielles.

Contrairement à ce qui se passe en France, les représentants au Congrès et au Sénat sont très responsabilisés quant à leurs votes, à un niveau individuel. La société civile (de gauche comme de droite) est en mesure de les cibler personnellement et de les obliger à rendre des comptes. Cela a permis dans le passé de faire échouer certains projets d’accords commerciaux.

Tout à fait. Il s’agit d’obliger les membres du Congrès à rendre des comptes quant à leurs décisions et à en assumer les conséquences. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous avons fait faire le sondage dont je vous ai parlé. Cela permet de leur montrer combien ces accords sont impopulaires parmi leurs électeurs.

Vous disiez que le mouvement écologiste américain considère l’Europe comme plus avancée en termes de régulation environnementale. L’administration Obama vient pourtant d’annoncer de nouvelles règles en matière de gaz à effet de serre et de pollution des centrales au charbon. La mise en place de règles strictes sur les émissions ne serait-elle pas nettement plus efficace pour lutter contre le changement climatique que le modèle actuel privilégié par l’Union européenne, qui accorde une large place à un marché carbone dysfonctionnel ?

La communauté environnementaliste américaine a fait pression sur le président Obama pour obtenir une régulation et, de fait, une mise à l’arrêt progressive des centrales au charbon. L’engagement à combattre la pollution des centrales au charbon est le cœur de la stratégie d’Obama en matière climatique. Nous sommes très satisfaits de voir enfin arriver l’annonce officielle de ces nouvelles règles. Ces régulations obligeront les différents États à expliquer comment ils vont satisfaire l’exigence de réduire leurs émissions de 30% par rapport à 2005. Je suis d’accord avec votre constat que le mécanisme européen d’échange de crédits carbone ETS est dysfonctionnel, mais dans d’autres aspects de sa politique climatique – comme la directive sur les émissions de l’aviation – l’UE s’est bien montrée plus ambitieuse.

Le TTIP pourrait-il nuire à la mise en place de ces nouvelles régulations américaines ?

Effectivement. Les régulations proposées par l’administration Obama laissent beaucoup de flexibilité aux États quant à la manière dont ils peuvent atteindre les objectifs de réduction. Il y a des mesures de bon sens que les États peuvent mettre en œuvre même s’ils ne s’attaquent pas directement à la pollution des centrales au charbon, comme de développer une offre d’énergie renouvelable avec une clause de « préférence locale », ou encore de mettre en place des programmes qui obligeraient les distributeurs à acheter une certaine quantité d’électricité à des producteurs locaux. Le TTIP supprimerait toutes ces possibilités. Il pourrait donc réduire la capacité des États à faire preuve d’innovation pour atteindre les objectifs. Et bien sûr, le fait d’accroître la pression à forer toujours davantage à la recherche de pétrole et de gaz contribuerait aussi en lui-même à aggraver les émissions de gaz à effet de serre.

Selon le Groupement international des experts sur le climat (GIEC), les deux tiers des réserves actuelles d’énergies fossiles devraient rester dans le sol. Comment faire ?

Nous sommes d’accord sur le fait que les énergies fossiles devraient rester dans le sol, et que nous devons utiliser une énergie propre et renouvelable. C’est la raison pour laquelle le TTIP nous entraîne dans la mauvaise direction, en créant des incitations économiques à extraire davantage de pétrole et de gaz. Pour mettre en œuvre la transition énergétique, nous avons besoin de toute la boîte à outils politique, et le TTIP contribuerait à la vider dramatiquement. Plus on exporte du gaz, plus il y aura d’incitation à forer. Une fois commencé, le processus sera difficile à stopper. Le TTIP vise simplement à créer de nouveaux marchés pour l’industrie pétrolière et gazière, en vue d’augmenter ses profits. C’est exactement la politique contraire à celle de garder les énergies fossiles dans le sol.

Propos recueillis par Sophie Chapelle et Olivier Petitjean.

— 
Photo : Stefano Campolo CC

Notes

[1Australie, Brunei, Chili, Japon, Malaisie, Nouvelle-Zélande, Pérou, Singapour et Vietnam.

[2Voir la tribune d’Ilana Solomon sur le TTIP publiée récemment par Basta !

Les enquêtes de l’Observatoire

L’Observatoire est à votre écoute

  • Besoin d’éclaircissements ?
  • Une question ?
  • Une information à partager ?
Contactez-nous