30.03.2016 • Profits

L’Afrique et ses régimes autoritaires, un investissement juteux pour les multinationales

L’Afrique est le continent qui offre aux multinationales le taux de profit le plus élevé au monde. Pas étonnant dans ces conditions qu’elles se pressent pour y investir, malgré la réalité de la corruption et la légitimité douteuse de nombreux régimes africains. Loin de favoriser la démocratie, ces investissements contribuent à entériner non seulement le statu quo politique, mais aussi et surtout un partage injuste des richesses tirées des ressources naturelles du continent.

Publié le 30 mars 2016

Benoît Orval, animateur du site Libération Afrique, dresse un état des lieux pour la Revue Projet :

En l’espace d’une décennie, l’afro-pessimisme de rigueur chez les analystes a cédé la place à l’euphorie : l’Afrique est devenue « le » continent d’avenir. Les régimes totalitaires font-ils office de repoussoir aux multinationales au sud du Sahara ? Pas vraiment si l’on en juge par la liste des pays qui attirent les investissements. Le secteur extractif, structurellement gangrené par la corruption, concentre toujours l’essentiel des projets. Des sociétés offshore aux traditionnels pots-de-vin, en passant par les prises de participation de sociétés-écrans dans les filiales des grands groupes étrangers, les terrains d’entente entre entreprises et pouvoirs sont multiples. Avec toujours le même objectif : garantir un niveau de rémunération du capital investi qui reste, sur le continent africain, bien plus élevé que partout ailleurs dans le monde. (...)

Les quelques affaires évoquées ici [à savoir les cas de la Guinée équatoriale, du Gabon et du Congo-Brazzaville, NdE : lire nos articles ici, ici et ] ne sont évidemment que la partie visible d’un vaste réseau de collusions entre le monde économique et des pouvoirs despotiques. L’inventivité est sans limite lorsqu’il s’agit, d’un côté, de choyer son armée et ses forces de sécurité, de maintenir ses clientèles ou d’enrichir son clan et, de l’autre, d’engranger les profits. En participant, directement ou indirectement, à la pérennisation de ces régimes, les multinationales prolongent les conditions de production qui leur sont les plus favorables.

Car si de grandes entreprises prennent ainsi quelques risques d’image et s’exposent parfois à des poursuites judiciaires, c’est parce que les enjeux financiers sont considérables. Le rendement moyen des investissements directs étrangers est en effet bien plus élevé en Afrique subsaharienne que dans les autres régions du monde. Il s’établit, sur la période 2007-2011, à 15,7 % (voire 25,2 % hors Afrique du Sud !), deux fois plus qu’en Amérique latine et dans les Caraïbes (7,6 %). La première place revient de très loin à l’Angola, suivi par le Swaziland (voir le graphique).

Quelques chiffres suffisent à prendre la mesure des profits accumulés : si l’on s’en tient aux seuls flux licites et à la trentaine de pays pour lesquels les informations sont disponibles, plus de 47 milliards de dollars (moyenne 2010-2012) quittent chaque année les pays d’Afrique subsaharienne pour rémunérer le capital investi, cinq fois plus qu’au début des années 2000. Un montant bien supérieur au service de la dette publique du sous-continent dans son ensemble (19 milliards de dollars par an en moyenne entre 2010-2012), équivalant au total de l’aide publique qu’il reçoit chaque année. Entre 2000 et 2012, les multinationales installées au sud du Sahara ont rapatrié plus de 350 milliards de dollars de bénéfices, auxquels s’ajoutent bien sûr les flux financiers illicites, évalués pour l’ensemble de l’Afrique à plus de 50 milliards de dollars par an et dans lesquels ces entreprises ont une large responsabilité (manipulation des prix de transfert, sous-déclaration des volumes et de la qualité des produits exportés, fausse facturation, etc.).

Lire l’intégralité de l’article sur le site de la Revue Projet

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