24.04.2015 • Droits syndicaux

L’accord de commerce Colombie-États-Unis et les droits des travailleurs du secteur pétrolier

Il n’est pas toujours facile d’être syndicaliste en Colombie, particulièrement dans le secteur pétrolier. Alors que la question des libertés syndicales menaçait l’accord de libre échange entre États-Unis et Colombie en 2011, le patron de la firme pétrolière Pacific Rubiales a injecté plusieurs millions de dollars dans la Fondation Clinton, provoquant un brusque changement de position de la Secrétaire d’État d’alors et candidate démocrate aux présidentielles de 2016, Hillary Clinton. Pacific Rubiales est une entreprise extrêmement controversée aussi bien pour ses atteintes aux droits des travailleurs que pour ses pratiques vis-à-vis de l’environnement et des populations indigènes.

Publié le 24 avril 2015

Trois journalistes révèlent les détails de l’affaire dans les colonnes de l’’International Business Times :

Pour les militants syndicaux de Colombie, les risques s’accentuaient. Selon les organisations de défense des droits de l’homme, lorsque les ouvriers de la plus grande entreprise pétrolière indépendante du pays se mirent en grève en 2011, l’armée colombienne les encercla fusil au poing et les menaça de recourir à la violence s’ils ne se dispersaient pas. Ce genre de tactique d’intimidation, racontent les leaders syndicaux, étaient quotidienne.

Vu des États-Unis, il s’agissait précisément du genre d’histoires qui devaient ne pas avoir lieu en Colombie grâce à la clause sociale accompagnant le récent accord de libre-échange libéralisant la circulation des marchandises entre les deux pays. De Washington à Bogota, les dirigeants avaient vanté cet accord comme un gain pour tous - un accord censé stimuler le commerce tout en renforçant les droits des militants syndicaux colombiens. Une promesse que de nombreux démocrates, y compris Hillary Clinton, avaient cependant considéré avec scepticisme.

Pourtant, lorsque des syndicalistes et des militants des droits de l’homme signalèrent ces événements au Secrétaire d’État d’alors, Hillary Clinton, lui demandant de faire pression sur le gouvernement colombien pour protéger les leaders syndicaux, elle se contenta d’un silence assourdissant. Le Département d’État loua publiquement les progrès de la Colombie en matière de droits humains, permettant le déblocage de millions de dollars d’aide américaine pour l’armée colombienne - celle-là même qui avait cherché à intimider les ouvriers.

Au moment même où le Département d’État dirigé par Clinton vantait le bilan de la Colombie en matière de droits humains, sa famille nouait une relation financière avec Pacific Rubiales, la tentaculaire compagnie pétrolière canadienne au centre de ce conflit social en Colombie. Les Clintons développaient aussi des liens commerciaux avec le fondateur du géant pétrolier, l’homme d’affaires canadien Frank Giustra, lequel a désormais un siège au conseil d’administration de la Fondation Clinton, l’empire philanthropique global de la famille.

Le détail de ces transactions financières reste flou, mais voici ce que l’on sait : après que la firme pétrolière a promis des millions de dollars à la Fondation Clinton - complétés par quelques millions de plus de la part de Giustra lui-même - Hillary Clinton changea abruptement de position, en tant que Secrétaire d’État, sur l’accord de commerce entre Colombie et États-Unis. Après s’être opposée à cet accord, le qualifiant de néfaste pour les droits syndicaux, lorsqu’elle était candidate à la nomination démocrate en 2008, elle en fit désormais la promotion, déclarant qu’un tel accord était « fortement dans les intérêts à la fois des États-Unis et de la Colombie ». Ce changement... favorisa le passage au Congrès d’un accord de libre-échange dont les experts considèrent qu’il a surtout favorisé les investisseurs étrangers comme Giustra.

Lire l’intégralité de l’article (en anglais).

Pacific Rubiales est un partenaire des « juniors » françaises Perenco et Maurel & Prom sur des concessions très controversées au Pérou (lire notre enquête).

Sur les violations des droits des travailleurs sur les sites de Pacific Rubiales en Colombie, lire Les damnés du pétrole.

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Photo : Solidarity Center/Carlos Villalon cc

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