23.10.2014 • Reponsabilité

La majorité des grandes entreprises européennes mises en cause dans des violations de droits humains

La majorité des grandes entreprises allemandes, britanniques et françaises se sont trouvées mises en cause dans des atteintes présumées aux droits humains ces dernières années. C’est ce que constate une étude publiée le 21 octobre par une coalition européenne d’organisations indépendantes, European Coalition for Corporate Justice, qui travaille sur les responsabilités sociales et environnementales des entreprises.

Publié le 23 octobre 2014 , par Ivan du Roy

L’European Coalition for Corporate Justice, basée à Bruxelles, regroupe des grandes ONG comme Amnesty International ou Greenpeace, ainsi que des coalitions nationales consacrées à la question du pouvoir et de la responsabilité des entreprises, comme en France le Forum citoyen pour la RSE.

L’étude s’appuie sur une revue de presse au long cours [1] : des dizaines d’articles et rapports impliquant des grandes entreprises dans des atteintes aux droits humains ont été recensés pendant huit ans, de 2005 à 2013. Cette revue de presse s’est concentrée sur les trois premières économies européennes et leurs grandes multinationales cotées : celles du CAC 40 en France, du DAX 30 en Allemagne et du FTSE 100 à Londres. Les auteurs de l’étude précisent bien qu’il ne s’agit pas forcément de violations des droits humains juridiquement avérées (ce qui serait extrêmement difficile en matière d’atteintes aux droits humains causées par des multinationales, pour les raisons exposées ici), mais d’un recueil d’allégations sérieuses, dont certaines « ont été vigoureusement niée par les sociétés concernées ». D’un autre côté, la liste laisse certainement de côté un certain nombre de cas de violations de droits humains qui n’ont pas été rendus publics dans un média couvert par la revue de presse, qui n’est pas exhaustive. Cette étude quantitative dresse cependant une première photographie de cet épineux sujet.

Les entreprises allemandes, comme Adidas, Bayer ou Siemens, sont les plus nombreuses à être citées : 77% des entreprises cotées à la Bourse de Francfort sont ainsi mises en cause dans des atteintes présumées aux droits humains (soit 23 compagnies sur 30). Les Françaises suivent, avec 65% des sociétés du CAC 40 (24 compagnies sur 37) ciblées par des accusations, puis les Britanniques avec 51% de leurs multinationales cotées (43 compagnies sur 84), telles la banques Barclays, British American Tobacco ou Mark &Spencer.

La finance aussi concernée que l’énergie et les mines

Du point de vue du secteur d’activités, ce sont les activités liées aux ressources naturelles (mines, énergie) et aux biens de consommation (agroalimentaire, textile, électronique) qui, sans surprise paraissent les plus prônes à occasionner des atteintes aux droits humains. L’autre cible principale des médias et des ONG n’est autre que le secteur financier : 4 entreprises sur 5 en Allemagne, 4 sur 4 en France et 9 sur 15 au Royaume-Uni.

Au vu de ces résultats peu encourageants, les auteurs de l’étude rappellent « l’urgence » pour l’Union européenne et ses États membres « à veiller à ce que les entreprises s’acquittent effectivement de leur devoir » en matière de responsabilité sociétale et « à lever les obstacles à l’accès à la justice des victimes d’abus ». « Une question qui a été largement ignorée jusqu’à présent », souligne le document.

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Les deux tiers des entreprises du CAC 40 concernées

Côté CAC 40, les entreprises françaises les plus souvent citées sont Total, Sanofi, ArcelorMittal et BNP Paribas. Total a par exemple été accusé en mars 2013 d’avoir détruit des fermes et des cultures en Ouganda, lors d’une opération de prospection pétrolière à proximité d’un village de pêcheurs au bord du lac Albert (à la frontière avec la République démocratique du Congo). Autre exemple : en novembre 2011, un article du quotidien britannique The Independant met en cause Sanofi – et d’autres compagnies pharmaceutiques occidentales – qui auraient financé des essais cliniques pratiqués sur des patients indiens, survivants de la catastrophe de Bophal, au sein du Bhopal Memorial Hospital. Ces essais cliniques n’auraient pas respecté les standards internationaux et auraient provoqué la mort de plusieurs dizaines de patients.

Enfin, dernière illustration, BNP Paribas et sa filiale états-unienne Bank of West, ont été pointées du doigt en juin 2012 pour avoir financé des industriels de l’armement produisant des armes à sous-munitions – ces missiles et bombes qui dispersent des explosifs ou des mines sur plusieurs centaines de mètres. Du fait de leur extrême dangerosité pour les populations civiles, ces armes sont interdites depuis 2010 par une convention internationale, ratifiée par la France… Selon les principes directeurs de l’Onu de 2011, partagés par l’Union européenne, « les entreprises ont la responsabilité d’identifier, de prévenir et d’atténuer les effets négatifs éventuels de leurs activités », rappelle l’étude. Encore une obligation trop contraignante pour les entreprises ?

Ivan du Roy

— 
Photo : Marco Zimara by-nc-nd

Boîte Noire

Pour accéder au rapport de l’European Coalition for Corporate Justice.

Notes

[1Celle qui est réalisée par le Centre de ressources sur les entreprises et les droits humains, basé à Londres. Voirleur site.

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