28.04.2016 • Empreinte écologique

Les géants français de l’agroalimentaire et de la grande distribution épuisent la planète

Quelles sont les 25 entreprises françaises qui impactent le plus les écosystèmes mondiaux ? Le WWF a cherché à identifier les multinationales qui consomment le plus de matières premières comme le soja, l’huile de palme ou le bois, contribuant à fragiliser des régions comme l’Amazonie ou l’Asie du sud-est. Une liste où l’on trouve autant de firmes françaises que d’américaines. Les géants français de la grande distribution, de la restauration collective et du lait se distinguent.

Publié le 28 avril 2016 , par Olivier Petitjean

Chaque année, nous consommons l’équivalent des ressources naturelles d’une planète et demie, bientôt de deux planètes, et peut-être davantage encore si tout le monde finissait par adopter le mode de vie nord-américain. Le constat est bien connu, bien qu’il masque des inégalités abyssales entre la consommation de ressources des riches et des pauvres. Comment vivre à nouveau dans les limites écologiques de la Terre ?

Pour le WWF (et beaucoup d’autres), l’une des réponses à cette question est de cibler les filières d’approvisionnement en matières premières comme le soja, l’huile de palme, le bois ou le poisson. L’organisation environnementaliste a dressé la liste des 25 entreprises françaises qui pèsent le plus sur les écosystèmes de la planète. Une liste où l’on trouve surtout des géants de la grande distribution et de l’agroalimentaire, dont certains sont peu connus du grand public. Une manière de rappeler que l’agriculture industrielle et les biens de consommation causent autant de dégâts environnementaux que les industries minière ou pétrolière. Mais c’est de manière indirecte, à travers leurs fournisseurs et leur chaine d’approvisionnement.

Grande distribution, restauration collective et lait

Concrètement, le WWF a ciblé une série de matières premières théoriquement renouvelables mais dont le mode d’exploitation actuel menace des régions du monde fragiles (notamment les forêts d’Amazonie, du bassin du Congo, de Malaisie et d’Indonésie) : soja, huile de palme, poissons et crevettes, produits laitiers, bois, papier, hévéa, coton, bœuf, canne à sucre, biomatériaux. L’ONG a ensuite identifié les multinationales qui consomment la plus grande quantité de ces matières premières. Parmi elles, beaucoup de firmes françaises, selon son nouveau directeur Pascal Canfin : « Dans les 500 entreprises qui ont le plus d’impact sur la nature dans le monde, nous comptons autant de sociétés françaises qu’américaines ! »

Qui sont donc ces douteux « champions » français ? On y retrouve tout d’abord toutes les entreprises de grande distribution (Carrefour, Auchan, Leclerc, etc.) et de la restauration collective (Sodexo, Elior), lesquelles – assez logiquement - consomment de quasiment toutes les matières premières concernées. Suivent, de manière un peu plus inattendue, les entreprises laitières (Danone, Lactalis, Sodiaal, Savencia) qui utilisent non seulement des produits laitiers de base, mais aussi de l’huile de palme et du soja (pour l’alimentation) ou encore de la pâte à papier (pour les emballages). Le secteur des agrocarburants (Avril-Sofiprotéol, mais aussi Total) se démarque lui aussi. On trouve enfin dans la liste une série de firmes plus spécialisées sur une matière première (Tereos pour le sucre, Michelin pour les hévéas...), ainsi que toutes les grandes firmes de BTP (Vinci, Bouygues…), pour leur consommation de bois.

Partie de la solution ?

Pour le WWF, si ces grandes multinationales donneuses d’ordre qui dominent les filières sont ainsi une partie importante du problème, elles font aussi partie de la solution. Leur volume d’achat leur donne une capacité d’influence sur leurs fournisseurs. L’ONG environnementaliste estime que le meilleur moyen de catalyser cette influence est de promouvoir des labels « durables » consensuels pour faire progresser les pratiques. Il existe désormais de telles certifications pour toutes les matières premières critiques, comme le label MSC pour le poisson, FSC pour le bois et le papier, RTRS pour le soja ou encore RSPO pour l’huile de palme. Problème : ces labels (dits « multi-acteurs » parce qu’ils sont conçus sur la base d’un consensus entre entreprises, ONG, chercheurs et organisations publiques) sont souvent très contestés, à la fois pour leur manque d’ambition et parce qu’ils peuvent contribuer à renforcer encore l’emprise des multinationales sur les filières (lire par exemple notre article sur le label « soja responsable »). Et malgré ces limites, ils ne représentent encore qu’une proportion minoritaire de leurs marchés respectifs.

Certes, ces certifications peuvent être progressivement « améliorées », et elles valent sans doute mieux que rien. Mais une autre limite de l’approche privilégiée par le WWF est qu’elle ne remet pas vraiment en cause les modes de consommation et de production qui sous-tendent l’exploitation effrénée des ressources naturelles de la planète. Lorsque l’ONG se félicite, par exemple, que le groupe Bel ait pris l’engagement de certifier 100% du soja et des dérivés d’huile de palme consommés par ses vaches laitières, on peut se demander si c’est vraiment le modèle agricole à mettre en avant pour l’avenir des éleveurs et des consommateurs. Question de perspective.

Olivier Petitjean

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Photo : Rainforest Action Network CC

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