25.04.2017 • Collectivité locale

Portland : une ville américaine contre les multinationales

Considérée comme la capitale de l’Amérique « bobo », la ville de Portland, sur la côte Ouest, a multiplié les initiatives politiques ciblant les multinationales. Après avoir imposé une surtaxe sur les firmes trop inégalitaires sur le plan salarial, la municipalité vient de décider de se désinvestir totalement de toutes les grandes entreprises.

Publié le 25 avril 2017 , par Olivier Petitjean

On savait que certaines collectivités locales, sous l’aiguillon de campagnes citoyennes, pouvaient être amenées à prendre position contre des entreprises, à cesser leurs relations commerciales avec elles, à les boycotter, ou à s’en désinvestir financièrement. C’est ainsi que récemment la ville de Paris a décidé de ne plus se procurer le sable de l’opération « Paris Plage » auprès de Lafarge. Une décision motivée par les activités douteuses de cette dernière dans le cadre de la guerre civile syrienne et par son souhait affirmé de participer à la construction du mur anti-migrants voulu par Donald Trump à la frontière États-Unis-Mexique (lire notre article). La municipalité de Portland, aux États-Unis, vient de passer à l’étape supérieure, en décidant de se désinvestir purement et simplement de toutes les multinationales, quelles qu’elles soient.

Selon le récit du média américain TruthOut, cette mesure est le résultat d’une lutte de longue haleine menée par la société civile locale. Portland s’était déjà positionnée contre les énergies fossiles en se désinvestissant des entreprises pétrolières et charbonnières et en interdisant toute nouvelle infrastructure liée aux énergies fossiles sur son territoire. (Plusieurs terminaux d’exportation de charbon ou de gaz sont projetés sur la côte Ouest des États-Unis.) Récemment, la municipalité a décidé de couper ses liens financiers avec une banque locale finançant le Dakota Access Pipeline, cet oléoduc emblématique combattu par les Sioux (lire notre article). Elle était pressée par les militants d’en faire de même pour des firmes comme Wells Fargo ou Caterpillar, impliquées dans l’industrie des prisons privées ou dans les colonies israéliennes illégales en Palestine. Finalement, le conseil municipal de Portland a décidé, plutôt que de devoir mettre à jour sa liste chaque année, de renoncer totalement à ses investissements dans des multinationales quelles qu’elles soient. Ceci malgré les réticences du maire et du trésorier de la ville, qui craignaient la perte de revenu que ce désinvestissement risque d’entraîner.

Portland détient un portefeuille d’investissement de 1,7 milliard de dollars en titres et obligations. Elle laissera ses obligations actuelles dans des multinationales arriver à expiration et ne les renouvellera pas. L’argent de la ville sera investi dans d’autre types d’obligations. Portland envisage aussi de créer une banque municipale pour contribuer au financement de l’économie locale, au lieu de passer par des investissements financiers dans des multinationales.

Contre les rémunérations patronales excessives et les inégalités salariales

Cette initiative inédite n’est pas une première pour Portland. En décembre 2016, la municipalité avait déjà passé une ordonnance visant à surtaxer les entreprises qui présenteraient de trop fortes inégalités salariales. Concrètement, les firmes dont les dirigeants gagnent plus de 100 fois le salaire médian de leurs employés verront leur impôt sur les sociétés augmenter en conséquence. Selon le média américain Yes ! Magazine, la ville attend de cette mesure entre 2,5 et 3,5 millions de dollars de recettes fiscales supplémentaires, qui seront affectées en priorité aux programmes d’aide aux sans-abri.

La proportion de 100 fois le salaire médian peut déjà sembler très élevée, mais selon l’Institute for Policy Studies, un think tank progressiste qui fait campagne pour l’adoption de cette mesure à Portland et ailleurs [1], pas moins de 500 multinationales américaines présentes localement, parmi lesquelles Chevron, Nike, McDonald’s ou Microsoft, sont potentiellement concernées. 90% des recettes attendues proviendraient de ces grandes multinationales. En 2014, l’écart moyen aux États-Unis entre la rémunération du PDG et le salaire médian était de 300, contre seulement 20 dans les années 1960.

Olivier Petitjean

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Photo : Maciek Lulko CC

Notes

[1Voir ici la page consacrée à cette campagne avec l’ensemble des documents pertinents.

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