11.04.2016 • Syndicat

Pourquoi la CGT Vinci s’oppose au projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes

La section CGT du groupe Vinci a pris publiquement position, il y a quelques semaines, contre le très controversé projet de construction d’un nouvel aéroport à Notre-Dame-des-Landes, en Loire-Atlantique. Une initiative plutôt inhabituelle de la part d’un syndicat quel qu’il soit, mais qui illustre un problème de fond : les « grands projets inutiles » comme NDDL sembler profiter avant tout à leurs promoteurs, et très peu aux travailleurs et à la société dans son ensemble.

Publié le 11 avril 2016

« Nous ne sommes ni des mercenaires, ni des esclaves ! » C’est en ces termes que la CGT, premier syndicat du groupe de BTP Vinci, réclame, dans une déclaration rendue publique fin mars, l’abandon du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes.

En ligne de mire de ces syndicalistes, la formule du partenariat public-privé, qui assure des profits garantis au constructeur et concessionnaire de l’aéroport, sans contreparties assurées pour les pouvoirs publics et la société dans son ensemble. « Ce projet, comme tout "partenariat" public-privé (PPP), relève de la politique de privatisation des services publics menée par les gouvernements depuis des années, et que la CGT a toujours dénoncée, car elle revient à alimenter des profits privés par de l’argent public. ».

« Le projet ne bénéficie pas du tout aux travailleurs »

Mais si la CGT a franchi le pas - plutôt inhabituel - de critiquer un projet que ses promoteurs présentent comme une opportunité de créer (ou maintenir) l’emploi, c’est aussi qu’en réalité, il « ne bénéficie pas du tout aux travailleurs », selon les termes de Francis Lemasson, délégué CGT à Vinci. Cela tient au montage juridique adopté par le groupe français pour les projets de ce type, où il intervient à la fois comme constructeur et comme exploitant : concrètement, la filiale Vinci Construction intervient comme prestataire d’une autre filiale, Vinci Concessions, qui engrange les bénéfices. Selon la CGT, les coûts de construction de NDDL sont sous-estimés, mais « il est exclu, dans ce type de contrats, que la partie Concessions du Groupe couvre les pertes de sa partie Construction », contrairement à ce qui peut se passer avec un marché public classique. D’où « une pression très forte sur les entreprises chargées des travaux » qui « impose, de fait, le recours à toutes les formes "modernes" de dumping social » : « Sur tous les chantiers importants dont Vinci est le maître d’œuvre, la majorité des ouvriers sont employés par des entreprises de sous-traitance qui les surexploitent : contrats précaires, intérimaires, salariés détachés avec des salaires de misère, salariés sans papiers, etc. » Un constat qui vaut pour beaucoup de grands projets de ce type, comme nous l’avions rappelé dans une récente enquête.

Alors que s’approche l’échéance d’un référendum local sur Notre-Dame-des-Landes, la direction de Vinci multiplie les appels du pieds et les pressions à destination de ses salariés pour qu’ils soutiennent activement la construction de ce nouvel aéroport. Mais la CGT n’a pas de mots assez durs, évoquant un projet issu « de rêves mégalomaniaques périmés », lequel « ne répond plus aujourd’hui qu’aux intérêts particuliers de Vinci et des promoteurs qui convoitent les terrains ainsi libérés au sud de Nantes ». Et d’en appeler à l’arrêt des expulsions et expropriations sur le site, ainsi que de « toutes les opérations d’intimidation et de criminalisation du mouvement social ».

Où sont les grands projets utiles ?

La CGT a déjà été amenée à dénoncer à de nombreuses reprises les conditions de travail et le recours au détachement sur d’autres « grands projets inutiles », comme la ligne à grande vitesse Lyon Turin. C’est la première fois qu’elle prend position de manière aussi vigoureuse contre un projet en lui-même. Cette initiative fait suite à des échanges avec les opposants à l’aéroport, qui ont permis de constater de nombreuses convergences de point de vue.

« Les syndicats CGT du Groupe Vinci se veulent fidèles à la tradition du syndicalisme CGT de contrôle et de réflexion sur la production dans nos industries de la construction et du transport. Notre boussole reste ainsi l’utilité sociale de la production, l’aménagement de nos territoires, le bien-être des salariés qui les font vivre et la stabilité de nos emplois : le véritable sens du mot progrès. » Et pourquoi pas, à la place de projets comme NDDL, de futurs « grands projets utiles » ?

OP

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Photo : Laurent Guizard (Archives)

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