05.02.2019 • Infrastructures

Privatisation d’ADP : le troublant précédent de l’aéroport de Toulouse

Le Sénat examine le projet de loi Pacte, qui prévoit notamment la privatisation d’Aéroports de Paris. Pendant ce temps, les investisseurs chinois qui avaient acquis en 2015 49,99% des parts de l’aéroport de Toulouse cherchent déjà à les revendre au plus offrant, avec une juteuse plus-value à la clé.

Publié le 5 février 2019 , par Olivier Petitjean

Le Sénat a entamé fin janvier l’examen du projet de loi dit « Pacte » et notamment de l’une de ses dispositions les plus contestées : la privatisation programmée de la Française des jeux, d’Aéroports de Paris, d’Engie et de sa filiale en charge des gazoducs, GRTgaz (lire notre article : Loi Pacte : le gouvernement privatise jusqu’à l’absurde).

La privatisation d’Aéroports de Paris (ADP) occupe particulièrement les débats, les critiques de tous bords craignant le bradage d’une infrastructure stratégique (les aéroports de Roissy, d’Orly et du Bourget) au profit du secteur privé. Le gouvernement français, de son côté, assure que toutes les mesures nécessaires ont été prévues pour s’assurer que l’intérêt du public serait préservé. Autre source d’inquiétude : le principal candidat au rachat d’Aéroports de Paris n’est autre que Vinci, déjà actionnaire d’ADP à hauteur de 8%. Le scandale qui continue à entourer la privatisation des autoroutes (lire notre article récent) n’est pas de bon augure, d’autant que le groupe BTP détiendrait alors un quasi monopole sur les aéroports français, qui s’ajouterait sa position de force dans les autoroutes et à ses incursions dans le secteur ferroviaire avec la ligne grande vitesse Tours-Bordeaux (lire notre article).

Aéroport de Toulouse : une illustration des risques de la privatisation

Au même moment, un précédent fâcheux vient mettre en question les assurances gouvernementales : les investisseurs chinois qui ont racheté en 2015 49,99% des parts de l’aéroport de Toulouse cherchent aujourd’hui déjà à les revendre pour environ 500 millions d’euros. Soit une plus-value de plus de 200 millions d’euros en seulement quatre ans. Une belle opération financière qui s’ajoute aux nombreuses controverses qui ont émaillé cette privatisation. Hommes d’affaires douteux, pacte d’actionnaires secret, versement de dividendes exceptionnels siphonnant les réserves de l’entreprise... Autant de pratiques douteuses révélées en particulier par Mediapart et confirmées ensuite par la Cour des comptes et une commission de l’Assemblée nationale. Et qui se concluent aujourd’hui par la revente par les actionnaires chinois de leurs parts dans l’aéroport, apparemment parce que l’État avait refusé de leur céder les 10,01% qu’il détenait encore.

Parmi les entreprises sur les rangs pour racheter les 49,99% des investisseurs chinois dans l’aéroport de Toulouse, on retrouve bien évidemment (aux côtés d’autres candidats comme Eiffage ou Axa)... le groupe Vinci. Celui-ci a récupéré l’aéroport de Lyon et concouru sans succès à la reprise de celui de Nice, tous deux privatisés en 2016. Auparavant, il avait déjà acquis les aéroports du Grand-Ouest (Nantes-Atlantique, Saint-Nazaire et le projet abandonné de Notre-Dame-des-Landes) et une douzaine d’autres aéroports régionaux cédés au privé. Vinci s’est beaucoup développé ces dernières années dans le secteur aéroportuaire. À la faveur, notamment, de programmes de privatisation, comme en France ou encore au Portugal en 2013.

Olivier Petitjean

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Photo : Lali Masriera CC via flickr

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