03.12.2015 • Multinationales

Prix Pinocchio : et les pires ennemis du climat sont... EDF, Chevron et BNP Paribas

Le verdict des internautes est tombé. Les pires Pinocchios du climat sont EDF (pour ses publicités pro-nucléaire), Chevron (pour son lobbying en faveur du gaz de schiste en Argentine et ailleurs) et BNP Paribas (pour ses investissements dans le charbon). Cette année, COP21 oblige, l’enjeu climatique était au centre de la nouvelle édition des prix Pinocchio, qui visent à mettre en lumière les pratiques douteuses et les faux discours des multinationales. Deux sponsors officiels de la Conférence climat figurent parmi les lauréats.

Publié le 3 décembre 2015 , par Olivier Petitjean

Dans la catégorie « Greenwashing », c’est EDF qui est ressortie du lot, en raison de ses campagnes publicitaires profitant de la tenue de la COP à Paris pour faire la promotion de l’énergie nucléaire. L’entreprise française, dont l’État détient 84%, n’a pas hésité - en contradiction totale avec ses documents officiels, comme nous l’avons rappelé dans une étude avec le Basic - à présenter l’électricité nucléaire qu’elle distribue en France comme « sans CO2 ». En réalité, en raison notamment de l’extraction et du transport de l’uranium, l’empreinte carbone de l’électricité nucléaire est loin d’être nulle, et significativement supérieure à celle des énergies renouvelables - en plus d’être plus risquée et plus coûteuse. EDF a déjà été poursuivie devant le Jury de déontologie publicitaire à plusieurs reprises par des associations écologistes et antinucléaires (le Jury leur a donné raison dans les deux avis qu’il a rendu à ce jour), qui ont également déposé plainte devant le Tribunal de grande instance pour « pratique commerciale trompeuse » (lire notre article). Au final, l’opération de comm’ d’EDF pour la COP21 aura donc sans doute été contre-productive... Les deux autres nominés dans cette catégorie étaient Engie, pour sa très soudaine et suspecte conversion à la transition énergétique, et Yara, le leader mondial des engrais synthétiques, qui s’est approprié le slogan de « l’agriculture climato-intelligente » pour repeindre en vert son modèle commercial.

Pour ce qui est du lobbying et de la pression exercée sur les gouvernements, c’est Chevron - habituée de ce genre de prix - qui s’est distinguée, pour la manière dont elle a imposé le gaz de schiste à l’Argentine et dont elle essaie de l’imposer à l’Europe, sans trop de succès à ce jour. La nomination de Chevron, comme celle de Total dans la même catégorie, illustre la tentative actuelle de l’industrie pétrolière d’imposer le gaz - y compris et surtout le gaz de schiste - comme solution privilégiée pour remplacer le charbon, aux dépens d’une véritable transition énergétique. Le troisième nominé dans cette catégorie était le géant français de l’agrobusiness Avril-Sofiprotéol, pour son lobbying en faveur des agrocarburants, une source d’énergie présentée comme verte mais de plus en plus discréditée (lire notre article).

En plus de leur impact climatique, les énergies fossiles ont aussi des conséquences plus immédiates et tout aussi dramatiques pour les riverains et pour leur environnement. Shell pour ses activités au Nigeria toujours aussi destructives vingt ans après la mort du militant Ken Saro-Wiwa, et Anglo American, qui possède la plus importante mine de charbon à ciel ouvert du monde en Colombie, figuraient parmi les nominés dans cette catégorie. Mais c’est finalement BNP Paribas qui s’est imposée. La banque française, en plus des multiples controverses auxquelles elle est actuellement exposée, est l’un des principaux financeurs du charbon et des autres énergies fossiles au niveau mondial, impliquée dans des projets extrêmement contestés, comme la centrale de Tata Mundra en Inde (lire notre article).

Tous les nominés des prix Pinocchio du climat - dont Basta ! et l’Observatoire des multinationales sont partenaires médias - méritaient sans doute de gagner. Pour les associations qui les organisent [1], la remise des prix Pinocchio est surtout une occasion de rappeler que les multinationales sont les premières responsables non seulement de la crise climatique elle-même, mais aussi de l’inaction et du manque d’ambition de nos gouvernements pour y faire face. « Tant que BNP-Paribas et EDF continueront d’investir massivement dans les énergies fossiles et le nucléaire, ils feront partie du problème, pas de la solution, conclut Juliette Renaud des Amis de la terre. En votant pour ces deux sponsors de la COP21, les citoyens ont montré qu’ils ne sont pas dupes de leurs mensonges qui polluent les négociations et sapent la possibilité de parvenir à un accord ambitieux et équitable sur le climat. »

Olivier Petitjean

Notes

[1Les Amis de la terre France, Peuples solidaires - Action Aid France et le Crid, avec cette année en plus les Amis de la terre Europe et Corporate Europe Observatory.

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