12.05.2014 • Travail et capital

Rémunérations : les dirigeants d’entreprises françaises sont-ils prêts à une remise en cause ?

Pacte de responsabilité ou pas, la remise en cause des pratiques de rémunération des dirigeants d’entreprises françaises n’est pas à l’ordre du jour. Illustration des aberrations actuelles, une entreprise comme Sanofi verse plus de huit millions d’euros à son directeur général tout en continuant à additionner les aides publiques et supprimer des emplois. Le géant pharmaceutique constitue l’un des exemples les plus extrêmes des profonds déséquilibres qui caractérisent la gestion des grandes entreprises françaises et la vision du monde de leurs dirigeants.

Publié le 12 mai 2014 , par Ivan du Roy, Olivier Petitjean

Malgré les titres de la presse économique sur la baisse de leur rémunération « pour la troisième année consécutive », les patrons des grandes entreprises françaises s’en sortent plutôt bien, avec 2,25 millions d’euros de rémunération en moyenne pour 2013, sans compter la rémunération en actions, qui peuvent s’élever à plusieurs millions supplémentaires.

Derrière les cas extrêmes (comme les 16,3 millions d’euros de dividendes que s’octroie cette année Arnaud Lagardère), c’est l’attitude de deux des principaux leaders patronaux français, Pierre Gattaz et Denis Kessler qui constitue, selon Mediapart, un « symbole désastreux » quant au succès du « pacte de responsabilité » voulu par le gouvernement français :

Lundi, Le Canard enchaîné révélait que Pierre Gattaz, en tant que PDG de l’entreprise Radiall, s’était accordé une hausse de 29 % de sa rémunération pour la porter à 426 000 euros. Le lendemain, Denis Kessler, comme PDG du groupe de réassurance Scor, se faisait voter une augmentation de 28 % de la part variable de son salaire à 1,3 million d’euros, sa rémunération totale dépassant les 5 millions d’euros, stock-options et actions de préférence comprises.

L’attitude d’un Pierre Gattaz et d’un Denis Kessler n’est-elle pas le préambule de ce qui risque de se passer par la suite ? Les 30 milliards d’euros supplémentaires – qui viennent s’ajouter à quelque 175 milliards d’euros d’allégements et niches fiscales existants – accordés aux entreprises, ne vont-ils pas servir à améliorer les dividendes et les rémunérations des dirigeants plutôt qu’à l’investissement et à l’emploi ? Tout cet argent ne va-t-il pas être dépensé en pure perte ?

Lire l’intégralité de l’article sur le site de Mediapart.

Sanofi, un cas d’école

Le cas Sanofi semble une parfaite illustration de la logique économique qui prévaut dans les groupes français, derrière les débats sur le « coût du travail » des salariés en bas de l’échelle. L’Assemblée générale du groupe a d’ailleurs été perturbée à la fois pas les syndicalistes de l’entreprise et par des journalistes venus interpeller les dirigeants de l’entreprises sur les disparités salariales criantes en son sein.

40 % d’augmentation en quatre ans : la rémunération accordée par le groupe pharmaceutique à son directeur général Christopher Viehbacher ne connaît pas les affres de l’austérité. Les revenus du DG atteignent 8,6 millions d’euros en 2014, contre 6,1 millions en 2010. 23 700 euros par jour ! Une situation que dénoncent les représentants des salariés. « Les salariés subissent restructuration sur restructuration et un grave recul du pouvoir d’achat pendant que le directeur général et l’ensemble de la direction du groupe perçoivent des revenus exorbitants en constante augmentation », critique la CGT. Le syndicat reproche à la direction de Sanofi d’avoir supprimé 4 000 CDI en cinq ans et d’avoir gelé les augmentations collectives en 2013. En France, Sanofi emploie 28 000 personnes, soit un quart de ses effectifs dans le monde [1].

Comme le souligne la CGT, le numéro 3 mondial de la pharmacie a pourtant largement bénéficié du crédit d’impôt : 150 millions d’euros en 2013 selon les chiffres du syndicat, plus du double qu’en 2008. « L’argent public est dilapidé en pure perte, car l’entreprise n’a aucun engagement à respecter en termes d’emplois, que ce soit pour le crédit d’impôt recherche (CIR) ou compétitivité emploi (CICE) », déplore la CGT. L’année dernière, Sanofi avait reversé 70 % de son bénéfice à ses actionnaires (3,5 milliards d’euros), dont le groupe L’Oréal. La CGT dénonce un « coût du capital » destructeur et craint que de nouveaux emplois disparaissent avec de possibles cessions d’actifs, annoncées par la presse. La poursuite d’une politique d’abaissement des charges fiscales est-elle vraiment de nature à changer la donne ?

Olivier Petitjean et Ivan du Roy

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Image : Jared Rodriguez / t r u t h o u t CC

Boîte Noire

La seconde partie de cet article a été initialement publiée par Basta !

Notes

[1CDI et CDD, selon le document de référence du groupe sur l’exercice 2012.

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