02.09.2016 • Responsabilité des multinationales

Une marque textile allemande sera jugée pour violation des droits humains chez ses fournisseurs en Asie

Le 30 août, la tribunal de Dortmund s’est déclaré compétent pour juger la plainte déposée l’an dernier en Allemagne par quatre Pakistanais contre le géant national du textile à bas-prix KiK. La plainte accuse l’entreprise allemande de violations des droits humains dans la chaîne de sous-traitance, pointant sa responsabilité dans l’incendie survenu en 2012 dans une des ses usines sous-traitantes, à Karachi. Le sinistre avait tué 260 ouvriers. Cette décision de la justice allemande est une première. Le tribunal a même décidé de prendre en charge les frais de justice des quatre Pakistanais.

Publié le 2 septembre 2016 , par Rachel Knaebel

« Cette décision est un premier pas pour qu’un cas de violation des droits humains perpétrée par une entreprise allemande à l’étranger soit jugé devant un tribunal allemand », a régi l’ONG European Center for Constitutional and Human Rights (ECCHR), qui soutient les plaignants. Ceux-ci estiment que l’entreprise KiK est coresponsable de l’état de la fabrique, qui n’était pas aux normes en matière de protection contre les incendies : avec des issues de secours bloquées, des fenêtres barrées, et une seule sortie accessible, les ouvriers se sont retrouvés pris au piège des flammes. Aujourd’hui, les quatre Pakistanais réclament un dédommagement de 30 000 euros par personne. Bien plus que les quelque 3000 dollars par victime que l’entreprise avait promis au bout de plusieurs années de négociations avec les représentants des ouvriers et de leurs familles. Une offre finalement rejetée par ceux-ci.

Et en France ?

Mais l’enjeu va au-delà de la seule indemnisation des victimes de cette catastrophe. L’incendie meurtrier de Karachi en 2012 est malheureusement loin d’être une dramatique exception. La même année au Bangladesh, un incendie dans une usine textile sous-traitante avait fait une centaine de victimes. Et en avril 2013, l’effondrement du bâtiment du Rana Plaza, à Dacca, où travaillaient plusieurs milliers d’ouvrières et d’ouvriers textiles, a tué plus de 1000 personnes. Là encore, les victimes travaillaient pour des donneurs d’ordre principalement européens et nord-américains : Benetton, Walmart, Mango... Mais aussi pour des entreprises françaises (voir notre dossier sur l’industrie textile).

Pour autant, les entreprises donneuses d’ordre refusent toujours de reconnaître leur responsabilité juridique dans ces catastrophes et pour les conditions de travail des ouvriers de leurs sous-traitants. En France, une proposition de loi pour renforcer le devoir de vigilance des multinationales vis-à-vis de leurs sous-traitants est toujours bloquée au Parlement (Voir notre article). Après avoir été édulcorée, elle n’est pourtant plus vraiment contraignante : elle prévoit la mise en œuvre par les entreprises françaises d’un plan de prévention des atteintes aux droits humains sur leur chaîne d’approvisionnement. En cas d’événement grave, les victimes pourraient saisir une juridiction civile française pour que celle-ci vérifie si ce plan était adéquat ou non. L’entreprise allemande KiK risque pour sa part un procès en Allemagne pour violation des droits humains.

Rachel Knaebel

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