10.06.2016 • Globalisation économique

Alerte sur la dégradation des droits des travailleurs dans le monde

La Confédération syndicale internationale, qui regroupe plus de 330 organisations syndicales dans 162 pays, alerte sur l’affaiblissement des droits des travailleurs au niveau mondial. Une dégradation qui va de pair, dans de nombreux pays, avec l’accroissement des restrictions à la liberté d’expression et à la liberté de réunion, et avec une dérive autoritaire des dirigeants politiques.

Publié le 10 juin 2016 , par Olivier Petitjean

Pour la troisième année consécutive, la Confédération syndicale internationale publie son état des lieux des droits des travailleurs dans le monde, et le tableau n’est guère reluisant. Non seulement de nombreux pays dans le monde ne reconnaissent que très partiellement ou pas du tout les droits syndicaux les plus basiques : le droit de grève, par exemple, n’est reconnu que dans un gros tiers des 141 nations étudiées. La tendance globale est même à la régression, y compris dans des régions du monde plutôt favorables aux syndicats comme l’Europe. Le nombre de pays où les syndicalistes font l’objet de violences, de menaces ou sont assassinés est ainsi en augmentation rapide : plus d’un cinquantaine en 2016.

Pour la CSI, cette dégradation est à mettre en relation avec un recul général des valeurs démocratiques et des libertés civiles dans le monde, à la faveur de la crise économique et des troubles géopolitiques. « Nous sommes confrontés au rétrécissement de l’espace démocratique et à une augmentation de l’insécurité, de la crainte et de l’intimidation des travailleurs et des travailleuses, déplore Sharan Burrow, secrétaire générale de l’organisation (lire notre entretien récent avec elle ici). La répression des droits des travailleurs va de pair avec un contrôle accru exercé par le gouvernement sur la liberté d’expression, de réunion, ainsi que d’autres libertés civiles fondamentales, et un nombre trop élevé de gouvernements cherchent à consolider leur propre pouvoir, étant souvent aux ordres des grandes entreprises, qui considèrent généralement que les droits fondamentaux sont incompatibles avec la recherche du profit à n’importe quel prix. »

Violations des droits des travailleurs : sporadique ou systématique ?

L’Indice mis au point par la Confédération syndicale internationale classe les pays sur une échelle allant de 1 à 5+, selon que les violations des droits des travailleurs y sont sporadiques ou structurelles. À titre d’exemple, la France et l’Allemagne obtiennent un 1, le Canada et le Japon un 2, la Grande-Bretagne et l’Espagne un 3, les États-Unis un 4, la Chine un 5. Parmi les 10 pays les pires pour les droits des travailleurs [1], on trouve des pays qui se sont fait une spécialité d’accueillir les usines en bas de chaîne de la mondialisation, comme la Chine, le Cambodge ou la Turquie. On y trouve aussi le Qatar, où son impliquées les grands entreprises françaises de BTP : syndicats et défenseurs des droits de l’homme y dénoncent l’exploitation forcenée des ouvriers sur les chantiers, des migrants venus d’Asie privés de leur passeport (lire notre enquête : Conditions de travail sur les chantiers du Qatar : quel est le rôle de Bouygues et Vinci ?). L’ONG Sherpa a d’ailleurs porté plainte contre Vinci en France pour des atteintes aux droits humains de ces travailleurs ; le groupe BTP a rétorqué par pas moins de 6 plaintes pour diffamation ou atteinte à la présomption d’innocence [2].

Et la France ? Elle est relativement bien classée au niveau mondial - elle figure parmi les 13 pays seulement (tous Européens à part l’Uruguay) qui obtiennent la meilleure note possible, correspondant à des « violations sporadiques » des droits syndicaux. Les auteurs du rapport déplorent cependant une tendance croissante à la criminalisation de l’action syndicale, citant notamment les poursuites organisées contre des syndicalistes d’Air France suite à « l’affaire de la chemise », la condamnation de syndicalistes de l’ancienne usine Goodyear d’Amiens en janvier 2016 pour avoir retenu des cadres dans leur usine, ainsi que la condamnation de militants de la CGT-Énergie pour avoir occupé un site d’EDF en 2008. (Voir la totalité des informations sur la France ici.) Les risques de régression concernent aussi le reste de l’Europe : la CSI dénonce notamment les propositions du gouvernement de la Finlande et la nouvelle loi sur les syndicats au Royaume-Uni.

Toutes les informations sur le rapport de la CSI en français, à lire ici.

Olivier Petitjean

Notes

[1Le Belarus, la Chine, la Colombie, le Cambodge, le Guatemala, l’Inde, l’Iran, le Qatar, la Turquie et les Émirats arabes unis.

[2Voir tous nos articles sur le Qatar ici.

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