19.04.2016 • Responsabilité pénale

Des victimes guatemaltèques veulent mettre fin à l’impunité des multinationales minières basées au Canada

Depuis des années, le Canada fait figure de bastion et de refuge pour les multinationales minières et pétrolières, en leur offrant des conditions fiscales et juridiques particulièrement avantageuses, qui leur garantissaient en particulier leur impunité quant aux violations des droits humains dont se rendraient coupables leurs filiales. Selon le New York Times, une procédure judiciaire initiée au Canada par un groupe de femmes guatemaltèques victimes des agissements d’une filiale de l’entreprise minière Hudbay pourrait changer la donne.

Publié le 19 avril 2016

Mme Caal [l’une des victimes violées et chassées de chez elles par des groupes armés agissant sur les ordres d’une firme minière] s’est tournée vers les tribunaux, non pas au Guatemala, où une villageoise maya comme elle, analphabète et vivant dans une région isolée, avait peu de chances de succès. Elle a déposé plainte au Canada, où ses accusations de négligence, l’affaire Caal v. Hudbay Mineral Inc., donnent aujourd’hui des sueurs froides à l’énorme industrie minière, pétrolière et gazière canadienne. En 2013, plus de 50% des entreprises listées de prospection et d’extraction minière avaient leur siège au Canada. Ces 1500 firmes détenaient des intérêts dans quelques 8000 concessions dans 100 pays à travers le monde.

Durant des décennies, leurs filiales implantées dans les pays tiers ont servi de bouclier à ces entreprises extractives, alors même que les défenseurs des droits humains dénonçaient une longue série d’abus, parmi lesquels des destructions environnementales, la répression des contestataires, et des évictions forcées de peuples indigènes.

Mais la plainte déposée par Mme Caal et dix autres femmes de son village, qui affirment avoir été violées en réunion ce jour de 2007, de même que deux autres plaintes parallèles pour négligence déposées contre Hudbay, ont déjà franchi plusieurs étapes judiciaires importantes. Ce qui laisse à penser que les firmes basées au Canada pourraient faire face à l’avenir à un examen plus approfondi de leurs opérations à l’étranger. En juin dernier, un juge a ordonné à Hudbay de rendre public ce qui pourrait représenter selon les avocats de Mme Caal des milliers de pages de documents internes. L’entreprise, qui n’était pas propriétaire de la mine au moment des faits, nie toute faute.

Le droit canadien ne permet pas le versement de compensations énormes à l’américaine, même si le tribunal tranche en faveur des plaignants. Mais l’affaire Hudbay est suivie de près, parce qu’elle semble ouvrir une nouvelle voie juridique pour ceux qui affirment avoir souffert des pratiques de filiales d’entreprises canadiennes.

Lire l’intégralité de l’article (en anglais) sur le site du New York Times.

La réussite de cette procédure tient à une stratégie juridique innovante, mettant en avant le « devoir de vigilance » des multinationales basées au Canada, d’une manière qui n’est pas sans rappeler la proposition de loi française en cours d’examen (lire notre article) et celle sur laquelle les citoyens suisses devront se prononcer d’ici deux ans :

[Jusqu’à présent,] les victimes ont eu peu de succès dans leurs tentatives d’accéder aux tribunaux canadiens. Leurs avocats ont généralement essayé de faire entendre leurs plaintes en se référant à des violations des droits humains ou au droit pénal international. La plupart d’entre eux se sont vus rétorquer que les tribunaux canadiens n’étaient pas compétents, et que leurs affaires devaient être jugées dans les pays où les événements avaient eu lieu, même lorsque leur système judiciaire était notoirement corrompu ou dysfonctionnel.

Les avocats des plaignantes ont en l’occurrence adopté une approche nouvelle, avec une ligne d’argumentation plus simple. Ils ont fait valoir que la société mère canadienne avait fait preuve de négligence en ne mettant pas en place un système de supervision efficace lui permettant de comprendre les agissements de sa filiale guatémaltèque. En cadrant leur plainte de cette manière, les plaignantes ont pu établir une connexion claire entre la négligence alléguée et le Canada.

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Photo : Friends of the Earth international

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