06.02.2015 • Moins-disant social

Le secteur textile italien gagné par les « sweatshops » ?

Il n’y a pas que le Bangladesh, le Cambodge ou l’Europe de l’Est. Les « sweatshops » gagnent aujourd’hui l’Europe du Sud, et en particulier l’Italie, où opèrent notamment les grands groupes de luxe français comme Kering et LVMH. Sous la pression de la concurrence internationale et des politiques de « compétitivité », les conditions de travail et les salaires se dégradent dans les ateliers textiles de la péninsule et, comme en Asie, le besoin d’un « salaire vital » est plus que jamais à l’ordre du jour.

Publié le 6 février 2015 , par Olivier Petitjean

« Les conditions se détériorent dans le secteur textile italien », alerte un nouveau rapport de la Clean Clothes Campaign (Campagne vêtements propres, Éthique sur l’étiquette en France). Les enquêteurs qu’elle a missionnés dans les ateliers textiles de Vénétie, de Toscane et de Campanie y ont constaté une tendance à la baisse des salaires et à la précarisation, ainsi qu’un accroissement du travail informel, des sous-traitance en cascade et des durées de travail illégales. Autant de caractéristiques que l’on aurait plutôt tendance à associer au secteur textile chinois ou bangladeshi.

Compétitivité

Le secteur textile italien, comme ailleurs en Europe, a été sévèrement touché par l’internationalisation de la filière et la concurrence des usines d’Asie et d’Europe de l’Est. Il a mieux toutefois mieux résisté qu’ailleurs en raison de sa spécialisation et de l’importance des marques de luxe, à forte valeur ajoutée.

Mais, dans le nouveau contexte d’austérité et de course à la compétitivité qui caractérise l’Europe du Sud, la situation est en train de changer. Les grands groupes comme les français LVMH (Louis Vuitton, Dior), Chanel et Kering (Gucci, Bottega Veneta, Balenciaga) - ainsi que les italiens Prada et Giorgio Armani - rachètent des ateliers qui avaient été abandonnés, mais au prix d’une dégradation des salaires et des conditions de travail. D’autres ateliers sont repris par des intérêts chinois pour fournir ces grands groupes prestigieux. Prato, à côté de Florence, spécialisée dans l’industrie du cuir, abriterait la deuxième communauté chinoise d’Europe après celle de Paris.

Le salaire officiel d’entrée dans le secteur textile italien est de 1200 euros nets par mois - sensiblement moins que le salaire vital estimé à 1600 euros [1]. En réalité, du fait du recours aux stages, aux contrats précaires, à la sous-traitance et au travail illégal, les salaires réels sont souvent bien moindres, pour des horaires largement en excès de la durée maximale légale. Des cas ont même été constatés de travailleurs migrants chinois dormant à 15 dans des pièces exiguës, sans fenêtre et dans des conditions douteuses du point de vue de la sécurité.

Des sacs Gucci fabriqués en Toscane par des ouvriers chinois

Fin décembre 2014, un reportage de la télévision italienne avait fait scandale en mettant en lumière les conditions de travail et de vie chez un fournisseur de Gucci (qui appartient au groupe français Kering) appelé Mondo Libero. Les ouvriers - des Chinois - y travaillaient 14 heures par jour, et Gucci achetait les sacs qu’ils fabriquaient 24 euros la pièce, pour les revendre au prix de 1000 euros. Réagissant au scandale, le groupe Kering a promis d’augmenter le nombre d’inspections des usines de ses fournisseurs.

L’usine en question n’était pas localisée, comme on pourrait le penser, en Chine, mais tout près de Florence...

Olivier Petitjean

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Photo : Jim Nix CC

Boîte Noire

Le rapport complet (en anglais) est à lire ici

Notes

[1Sur la question du salaire vital dans le secteur textile, lire aussi Textile : les ouvrières asiatiques en lutte pour un salaire vital.

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