04.10.2021 • Responsabilité

Les entreprises et fonds de pension européens impliqués dans la destruction de l’Amazonie

Cet été encore, le Giec a donné l’alerte : le changement climatique est déjà en cours, et ses conséquences sont déjà dramatiques. Au Brésil, depuis l’arrivée au pouvoir de Jair Bolsonaro, l’Amazonie et la région du Cerrado font face depuis des années à une accélération de leur destruction, qui pourrait avoir des effets sur le monde entier.
Dans un rapport inédit, le Réseau européen des observatoires des multinationales (réseau ENCO), dont l’Observatoire des multinationales est co-fondateur, et l’organisation brésilienne Vigência, pointent la responsabilité de multinationales et de fonds de pensions européens dans ce massacre.

Publié le 4 octobre 2021

Avec la forêt tropicale humide du Congo en Afrique centrale, l’Amazonie est un écosystème clé pour la santé environnementale de la planète. Le Cerrado brésilien est la savane la plus riche du monde. Or, ces écosystèmes sont menacés par de nombreux intérêts économiques : l’agro-industrie, les activités minières et l’exploitation forestière illégale. En 2019, des incendies ont dévasté de larges zones de la forêt tropicale amazonienne. En grande partie, ils sont la conséquence de l’ouverture de zones de pâturage pour le bétail. Dans la région du Cerrado aussi, d’immenses étendues de végétation de terres indigènes ont été converties en zones de pâturage et de production agricole.

Le président brésilien Jair Bolsonaro et ses alliés politiques et économiques – en particulier dans l’agroindustrie – sont largement, et à juste titre, tenus pour responsables de la déforestation en cours. Mais si le secteur privé brésilien a bel et bien été un moteur de cette destruction, son action est facilitée, voire soutenue, par des entreprises multinationales, dont certaines sont basées en Europe. C’est ce que montre le nouveau rapport du Réseau européen des observatoires de multinationales ENCO et de Vigência, intitulé “Invisible hands ?”European corporations and the deforestation of the Amazon and Cerrado biomes (« Des mains invisibles ? » Les entreprises européennes et la déforestation des biomes de l’Amazonie et du Cerrado).

En 2016, par exemple, la banque espagnole Santander a été condamnée à une amende de 15 millions de dollars pour avoir fourni un soutien financier à des cultures pratiquées sur des zones illégalement déboisées. Il y a aussi des entreprises européennes qui opèrent directement dans les régions de l’Amazonie et du Cerrado. Certaines y sont accusées de violation des droits, comme les sociétés minières française Imerys et norvégienne Norsk Hydro. Des études récentes estiment par ailleurs qu’environ deux millions de tonnes de soja planté illégalement chaque année au Brésil ont atteint le marché européen au cours des dernières années, dont 500 000 tonnes ont été produites dans la région amazonienne.

Au cours des 15 dernières années, de nombreuses sociétés foncières ont été créées, entièrement dédiées à l’acquisition, la vente, la location et la gestion des terres agricoles. Dans la région du Cerrado, de vastes zones indigènes appartenant officiellement à l’État sont illégalement privatisées. Ce processus conduit généralement à l’expulsion violente des habitants (dont beaucoup sont issus des communautés traditionnelles ou des populations rurales pauvres), ainsi qu’à des défrichements ou des déboisements massifs. Ces zones agricoles sont cédées à des sociétés agro-industrielles ou à des sociétés foncières, qui peuvent louer ou revendre les terres. Trois fonds d’investissement européens au moins participent au fonctionnement de ces sociétés foncières dans la région du Cerrado : le fonds de pension allemand Ärzteversorgung Westfalen-Lippe ; les fonds de pension néerlandais Algemeen Burgerlijk Pensioenfonds et le fonds suédois Andra AP-fonden.

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> Lire l’intégralité du rapport (en anglais) “Invisible hands ?”European corporations and the deforestation of the Amazon and Cerrado biomes , publié par le réseau européen d’Observatoire des multinationales ENCO avec Vigência.

Ce rapport est publié dans le cadre d’un nouveau projet du réseau ENCO (corpwatchers.eu) sur « Les multinationales européennes et les régimes autoritaires », qui inclut deux autres études de cas :

 « The Congo Case », par ReCommon, met en lumière les relations étroites entre la compagnie pétrolière italienne ENI et ses dirigeants et les élites politiques du Congo.

 « “So that everything can stay the same.” Could Europe’s Green Deal end up fuelling human rights and environmental abuse ? », de l’Observatoire des multinationales, explore l’une des faces sombres du Green Deal européen : comment il pourrait, sous prétexte d’aider l’Europe à atteindre ses objectifs climatiques, encourager un accaparement de ressources par les entreprises dans les pays du Sud, comme des minéraux, ou surtout des terres pour des projets d’énergies renouvelables à grande échelle ou des projets de reforestation.

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