02.05.2016 • Santé au travail

Victoire pour les sous-traitants du nucléaire : la « faute inexcusable » d’un employeur enfin reconnue

C’est une première en France : la « faute inexcusable » d’un employeur vient d’être reconnue, suite à la mort d’un sous-traitant du nucléaire, Christian Verronneau, emporté par un cancer broncho-pulmonaire à l’âge de 57 ans.

Publié le 2 mai 2016 , par Nolwenn Weiler

C’est le tribunal des affaires de la sécurité sociale (TASS) de l’Essonne qui a reconnu la faute inexcusable de la société Endel le 15 avril 2016. La reconnaissance de la faute inexcusable signifie notamment que l’employeur n’a pas pris les mesures nécessaires pour préserver le salarié des dangers auxquels il était exposé. Une reconnaissance obtenue jusqu’à présent dans de nombreux cas pour les victimes de l’amiante, qui permet le versement d’indemnités aux salariés victimes – ou à leur famille ou ayant-droits en cas de décès [1].

Christian Verronneau, qui a travaillé pour Endel, une filiale du groupe Engie (ex-GDF Suez), pendant 30 ans, a passé sa vie professionnelle dans les centrales nucléaires françaises, enchaînant les tâches très dangereuses : « Il devait décontaminer les piscines de refroidissement du bâtiment réacteur, décrit Philippe Billard, du collectif Santé/sous-traitance, qui réunit les salariés de la sous-traitance des industries nucléaires et chimiques. Il faut passer les parois au karcher, avec des produits spéciaux. Les poussières qui volent sont très contaminées. » Autre tâche extrêmement dangereuse qui faisait partie du quotidien de travail de Christian Verronneau : la pause de matelas de plomb sur la tuyauterie – hautement radioactive – des centrales nucléaires, pour éviter que les travailleurs intervenant au niveau (ou à proximité) de ces tuyauteries ne se prennent trop de rayons.

« EDF délocalise ses cancers vers les salariés sous-traitants »

« Cette reconnaissance de la faute inexcusable de Endel permet de briser l’invisibilité des décès pour maladie professionnelle des salariés de la sous-traitance du nucléaire », avance Philippe Billard. Ils sont près de 30 000 en France, pour un millier d’entreprises, à assurer quotidiennement la maintenance des centrales nucléaires. Le recours massif à ces intervenants extérieurs permet à EDF de réduire ses coûts et de ventiler les doses de radioactivité qui, auparavant, se concentraient sur les agents EDF. « Les sous-traitants encaissent 90 % de la dose annuelle d’irradiations reçue dans les 59 réacteurs nucléaires français », tempête Philippe Billard. Mais ces travailleurs ne sont pas suivis médicalement, puisqu’ils ne font pas partie d’EDF. « L’entreprise, et l’État peuvent donc continuer à nous faire croire que le nucléaire est sans risques ! C’est n’importe quoi ! En fait EDF délocalise ses cancers vers les salariés sous-traitants. » Ces travailleurs se qualifient d’ailleurs eux-mêmes de « viande à rems », ancienne unité de mesure de la radioactivité (on parle maintenant de sieverts).

« Nous espérons que cette première victoire va aider les collègues à parler, poursuit Philippe Billard. Parce qu’il y a beaucoup, beaucoup de gens malades ». Les salariés
sous-traitants aimeraient se voir appliquer un contrôle médical adapté, à vie. « Il faut arrêter de sacrifier des salariés au nom de l’emploi, insiste Philippe Billard. La radioactivité, c’est en fait un danger de mort différé pour les salariés. Ce n’est pas tolérable. Nous pensons que cette industrie devrait être arrêtée, elle est trop dangereuse, elle fait partir les gens trop tôt. Et ce n’est pas un anti-nucléaire qui l’affirme, mais un syndicaliste soucieux de la santé des salariés. »

Nolwenn Weiler

Notes

[1Suite à des arrêts de la chambre sociale de la Cour de cassation rendus en 2002, la reconnaissance de la faute inexcusable des employeurs devient quasi-systématique dans les affaires amiante.

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