Alors que Los Angeles s’enflamme en réaction aux raids d’agents de la police de l’immigration qui déboulent, masqués, pour arrêter de présumés contrevenants aux lois migratoires, nous sommes allés regarder quelles multinationales travaillaient encore avec l’Immigration and Customs Enforcement (ICE) l’agence qui conduit le projet d’expulsions massives voulues par Donald Trump. Si nous avions déjà identifié Palantir comme l’un des grands gagnants de cette politique qui défie les droits humains les plus basiques (lire Comment Palantir, le géant de la « big data », collabore à la chasse aux migrants aux États-Unis), le cabinet de conseil Deloitte apparaît comme un autre partenaire clé de l’ICE. Depuis l’arrivée au pouvoir de Donald Trump, plus de 21 millions de dollars de contrats ont été signés entre Deloitte et ICE, pour des services variés de gestion, soutien logistique ou développement.
L’ICE de Donald Trump : disparitions forcées et détentions arbitraires
« We believe we’re only as good as the good we do » (« Nous sommes convaincus que notre qualité dépend du bien que nous faisons »), annonce fièrement la branche étatsunienne de Deloitte sur son site internet. Que penser de la collaboration du cabinet de conseil avec ICE au regard de ce slogan ? Des ONG comme Amnesty International alertent sur les pratiques de l’agence, entre détentions abusives et expulsions sans respect des droits fondamentaux. Cette politique s’est intensifiée avec l’arrivée de Donald Trump au pouvoir, qui a par exemple autorisé les agents d’immigration à faire des descentes dans les églises, les mosquées, les écoles et les hôpitaux.
La rhétorique incendiaire du nouveau président encourage les déportations massives et brutales. En mars dernier, Human Rights Watch dénonçait l’envoi de 238 Vénézuéliens au Salvador, où ils ont été immédiatement transférés dans une prison réputée pour sa violence, sans procès, ni preuve de leur appartenance alléguée à des gangs, ni possibilité de communiquer avec leurs familles. Selon l’organisation de défense des droits humains, qui qualifie ces opérations de « disparitions forcées », ICE aurait effacé de son système les données relatives à ces détenus.
Deloitte en soutien informatique (et autres)
Bien sûr, les experts de Deloitte ne participent pas directement aux raids, et leur travail avec l’ICE ne date pas de l’ère Trump. Mais le cabinet a choisi de poursuivre sa collaboration malgré la situation actuelle, offrant des « services de formation et de communication en matière de technologies de l’information » ou, par exemple, d’assistance à la gestion de « la modernisation de ses données informatiques ». Une mise à jour d’un contrat de 2021 mentionne également un « soutien à la recherche sur Internet et à l’analyse des données pour la division des opérations de ciblage des opérations d’application de la loi et d’éloignement ». Deloitte aiderait-il à cibler, et donc identifier, les victimes des raids d’ICE ?
En 2019, des employés de Deloitte lui avaient demandé de mettre fin à ses activités de conseil auprès d’ICE, révoltés par la politique de la première administration Trump, qui séparait les enfants de leurs parents à la frontière. Selon le média Vice, cette année là, le cabinet aurait gagné 42 millions de dollars avec l’agence de l’immigration. Son concurrent McKinsey avait quant à lui décidé de rompre ses liens avec ICE, mais Deloitte avait tenu bon. Alors que le retour de Trump laisse présager une politique de détention et d’expulsion encore plus violente, les salariés de Deloitte finiront-il par convaincre leurs dirigeants que leur « qualité dépend du bien [qu’ils] font » ?
Contacté pour cet article, le cabinet Deloitte n’a pas répondu à nos questions.
