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Les multinationales face à la croisade anti-diversité de Trump
Il y a quelques semaines, on apprenait que des entreprises françaises avaient reçu une lettre de l’ambassade des États-Unis à Paris les sommant de se conformer au décret du président Trump interdisant les programmes dits DEI (« diversité, équité et inclusion ») destinés à promouvoir les minorités dans l’administration, les universités et la sphère professionnelle.
De l’autre côté de l’Atlantique, beaucoup de grands groupes – mais pas tous – se sont empressés de faire acte d’obéissance vis-à-vis du locataire de la Maison Blanche en annonçant la fin de leurs programmes DEI. C’est le cas notamment des géants de la tech comme Google, Amazon et Meta (Facebook).
Aucun groupe français présent aux États-Unis n’a pris position sur la question, à part dans une certaine mesure L’Oréal. Tous ceux que nous avons contactés pour cette enquête, parmi lesquels LVMH, Michelin, Sanofi ou encore Hachette, n’ont pas souhaité donner suite à nos questions, dans plusieurs cas sous prétexte que « personne n’était disponible pour y répondre ».
Un silence assourdissant qui s’explique par la prudence et l’embarras, mais qui cache aussi une autre question : la relative invisibilité des enjeux de diversité, d’équité et d’inclusion des minorités visibles en France même.
Lire notre article : Face à la croisade anti-diversité de Trump, les groupes français entre silence et déni
Dans un article complémentaire, nous montrons qu’à travers le DEI, Donald Trump cherche à s’attaquer à un symbole, qui renvoie à l’héritage du mouvement des droits civiques et plus récemment au mouvement « Black Lives Matter ». Lire Pourquoi Trump s’attaque-t-il aux programmes de diversité, équité et inclusion ?.
L’internationale réactionnaire se renforce au niveau de l’UE
« Ils sont très actifs à Bruxelles, ils ont plus de vingt salariés, organisent des événements… Rien qu’en mars dernier, ils ont organisé deux événements au Parlement européen, avec du matériel de qualité, des posters. Tout cela a un coût. »
Dans une capitale européenne où l’extrême droite est plus influente que jamais, MCC Brussels apparaît comme la tête de pont de l’internationale réactionnaire et un allié de poids pour les eurodéputés du RN et de ses alliés. Mais plus de deux ans après l’ouverture de son bureau au coeur de l’Union européenne (UE), ce think tank n’a toujours pas publié la moindre donnée financière sur le Registre de transparence, comme sont censés le faire tous les représentants d’intérêts.
MCC Brussels est une émanation du émanation du Mathias Corvinus Collegium en Hongrie. Celui-ci est financé par l’État hongrois (il possède une part du capital de l’entreprise pétrogazière MOL et de la société pharmaceutique Gedeon Richter) et lié aux fondations conservatrices américaines comme la Heritage Foundation (Project 2025) est devenu en quelques mois une pièce essentielle de la guerre menée à Bruxelles contre les régulations, les ONG, et l’UE elle-même. De nombreux acteurs de l’extrême droite française participent à ses activités.
Lire notre enquête : MCC Brussels, ou comment l’extrême droite pro-Orbán et pro-Trump s’organise pour affaiblir l’Europe de l’intérieur
Un empire luxembourgeois et africain plutôt que breton
Les Bolloré ne manquent pas une occasion de mettre en valeur leurs racines bretonnes et leurs activités industrielles dans la région. Une manière de masquer la réalité d’un groupe construit sur des coups financiers et des savantes constructions juridiques dont beaucoup passent par le Luxembourg. Les activités industrielles de Bolloré en général, et en Bretagne en particulier, pèsent de peu de poids, d’un point de vue économique, à l’échelle du groupe.
L’autre base de l’empire, en plus du Luxembourg, est l’Afrique. Au fil des ans, le groupe Bolloré a amassé des milliards d’euros grâce à ses activités africaines, à la fois sous forme de remontée de dividendes et grâce aux plus-values réalisées lors des cessions d’actifs. Pour une large part, ce sont ces revenus qui lui ont permis d’acheter l’empire médiatique dont il dispose aujourd’hui. Même après avoir revendu ses concessions portuaires et ses activités logistiques, Bolloré est loin d’avoir quitté le continent.
C’est ce qu’expliquent les deux extraits de notre récent rapport « Le Système Bolloré » désormais disponibles sur notre site : Bolloré : un empire centré sur le Luxembourg bien plus que sur la Bretagne et Les rentes africaines de Bolloré.
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Palantir et Trump. Palantir, l’entreprise spécialiste de l’analyse de données cofondée par Peter Thiel, vient d’obtenir un nouveau contrat de 30 millions de dollars pour aider l’administration fédérale américaine à traquer et déporter les migrants. Un autre exemple – au-delà de la figure emblématique d’Elon Musk – de la collaboration entre une partie du secteur de la tech et la présidence Trump. Palantir est d’ailleurs dans l’administration actuelle. Lire notre article.
TotalEnergies en Ouganda : nouvelle manche au tribunal. La plainte initiée contre le groupe TotalEnergies pour ses projets pétroliers en Ouganda et en Tanzanie par plusieurs ONG françaises et ougandaises avait été la toute première à voir le jour dans le cadre de la loi française sur le devoir de vigilance. Elle s’est cependant en partie perdue dans des batailles de procédure, jusqu’à ce que les juges la déclarent irrecevable pour des questions de forme. Une nouvelle procédure a été engagée par les mêmes ONG avec des personnes affectées pour obtenir réparation de leur préjudice. Avant que l’affaire soit jugée sur le fond, une première audience a eu lieu le 15 mai avec un enjeu crucial : celui d’obliger TotalEnergies à donner accès à certains documents (audits, compte-rendus de réunion, études) permettant de vérifier si les droits des personnes affectées ont effectivement respectés comme le groupe le prétend. Inutile de dire que la possibilité pour une entreprise comme TotalEnergies de restreindre l’accès à certaines informations clés est souvent l’obstacle principal pour ceux et celles qui cherchent à obtenir justice. La décision du tribunal pourrait permettre de faire avancer significativement la jurisprudence sur ce point.
Une mine pas propre. L’Indonésie, où se rend ces jours-ci Emmanuel Macron, est devenue l’un des centres de la course mondiale aux minerais critiques et en particulier au nickel, métal indispensable à l’électrification. Une enquête publiée par Mediapart se penche sur le cas de la mine Weda Bay, sur l’île de Halmahera, et de la zone industrielle qui lui est associée. La mine est une co-propriété du géant chinois Tsingshan et de l’entreprise minière française Eramet (dont l’État est actionnaire aux côtés de la famille Duval). Des lanceurs d’alerte dénoncent de nombreux problèmes de conditions de travail et de pollution, systématiquement passés sous silence par la direction sur place. Quant à Eramet, après s’être longtemps abritée derrière son statut d’actionnaire minoritaire de la mine pour nier sa responsabilité, elle a fini par prendre des sanctions contre les cadres en charge de Weda Bay. Une nouvelle fois, les engagements d’exemplarité et les promesses d’une « mine propre » se heurtent aux réalités de l’industrie extractive.
Géo-ingénierie au Collège de France. Un colloque sur la « géo-ingénierie », autrement dit « l’ensemble des techniques qui visent à manipuler et modifier le climat et l’environnement de la Terre à grande échelle » pour éviter les « désagréments » du changement climatique (selon les termes du programme) s’est tenue le 15 mai au Collège de France, dans le cadre de la chaire annuelle « Avenir durable » financée par deux grands mécènes, le groupe d’assurance Covéa et... la multinationale pétrogazière TotalEnergies. Faut-il voir dans ce double choix de minimiser et relativiser la crise climatique et de privilégier pour y répondre des technologies douteuses un effet de l’influence de ce second mécène ? L’affaire repose la question de la stratégie de TotalEnergies dans le monde de la science et de l’enseignement supérieur, dont nous parlions encore récemment. Lire la chronique de Stéphane Foucart dans Le Monde.
Cette lettre a été écrite par Olivier Petitjean.