L’intensité des ouragans augmentera t-elle à mesure que le mercure grimpe ? Après la provocation par Harvey d’inondations historiques au Texas, l’ouragan Irma s’est montré le plus puissant cyclone tropical observé jusqu’à présent aux Antilles. Au point que certains spécialistes plaident pour l’ajout d’un sixième niveau sur l’échelle de Saffir-Simpson [1]. « Plus la température de l’eau et le taux d’humidité sont élevés, plus le cyclone peut prendre de l’intensité. Or, ces deux éléments sont plus intenses du fait de l’augmentation de l’effet de serre, explique la climatologue Valérie Masson-Delmotte [2]. On considère qu’il y a 7 % d’humidité en plus dans l’atmosphère par degré de réchauffement. »
Sur les 15 plus gros cyclones depuis 1 siècle, la moitié dans la dernière décennie. On réagit quand ? #climatechange #Irma pic.twitter.com/a4OpOKqtHn
— Sebastien Mabile (@SebastienM) 6 septembre 2017
Moins médiatisées, des catastrophes naturelles historiques ont affecté d’autres territoires ces dernières semaines. Décrété le 7 juillet, l’état d’urgence dans la province de Colombie-Britannique (Canada) vient d’être prolongé jusqu’au 15 septembre, du fait de la multiplication de feux de forêt d’une intensité inédite [3]. Mi-août, en Sierra Leone, plus de 500 personnes sont décédées et 600 toujours portées disparues, à la suite de coulées de boue causées par des pluies torrentielles [4]. La mousson historique qui frappe l’Asie du Sud aurait par ailleurs affecté 41 millions de personnes, selon les chiffres des Nations-unies, tué près de 1 400 personnes, et laissé plusieurs centaines de milliers de sans-abri [5].
Réchauffement : 90 multinationales en cause
Alors que ces catastrophes sèment la dévastation sur leur passage, une nouvelle étude publiée par l’ONG américaine Union of Concerned Scientists (UCS), pointe les 90 principales entreprises productrices de pétrole, gaz, charbon et ciment. Elles sont à l’origine de 57 % de la hausse de la concentration atmosphérique en CO2, de près de 50 % de la hausse de la température moyenne mondiale, et d’autour de 30 % de la hausse du niveau moyen des mers observées depuis 1880 [6]. Depuis 1980, les principaux responsables de la hausse des températures sont Saudi Aramco et Gazprom, suivis par ExxonMobil, National Iranian Oil Company, BP, Chevron, Pemex et Shell. Le français Total arrive en 17e position, juste derrière la Sonatrach algérienne.
Pensons à tous les Irma, José, bientôt Katia et Lee : donnons aux 20 prochains cyclones, le vrai nom de ceux qui ont le plus émis de CO2 ! pic.twitter.com/YCIp1dOAC8
— Thierry Salomon (@ThierrySalomon) 12 septembre 2017
Les plaintes pourraient se multiplier à l’encontre de ces entreprises. Aux États-Unis, deux comtés et une ville californienne – San Mateo, Marin et Imperial Beach – ont déposé plainte en juillet 2017 contre 37 entreprises pétrolières, gazières ou de charbon, dont Shell, Chevron, Statoil, Exxon et Total [7]. Enjeu : obtenir des compensations relatives aux coûts actuels et futurs d’adaptation à la montée du niveau de la mer liée au changement climatique. La plainte accuse les compagnies de s’être engagées, non pas dans un travail de réduction des impacts, mais « dans un effort coordonné pour dissimuler et nier leur connaissance de ces menaces ». En 2008, Kivalina, un petit village d’Alaska de 400 habitants, avait intenté un procès contre des compagnies pétrolières, dont BP et Chevron, demandant jusqu’à 400 millions de dollars pour relocaliser leur village face à la hausse du niveau de la mer. Leur dossier avait été rejeté au motif que c’était une question non pas juridique mais politique.
Les compagnies d’assurance et aériennes accusées de gonfler leurs prix
Des grandes entreprises sont également accusées de vouloir profiter de ces catastrophes amplifiées par les changements climatiques. Se protéger d’un ouragan coûte par exemple de plus en plus cher. La chaine d’information CBSN estime ainsi le coût de la fermeture complète d’une maison pour faire face à un ouragan – volets spéciaux, contreplaqué pour les fenêtres, sacs de sable... - à 4000 dollars [8]. L’assurance inondation a par ailleurs augmenté de 69 % entre 2003 et 2013, relève The Time [9]. Des compagnies aériennes comme Delta Air Lines ou Air France sont également critiquées pour avoir augmenter leurs prix juste avant le passage de l’ouragan Irma.
Shame on you @delta. Jacking from $547 to over $3200 for people trying to evacute responsibly ? #IrmaHurricane pic.twitter.com/O2nfPHQUAh
— Leigh (@LeighDow) 5 septembre 2017
Or, les catastrophes naturelles ne frappent pas les populations de la même manière. Après les passages successifs de Harvey, Irma, Jose et Katia, ce sont les quartiers résidentiels à faible revenu qui ont été les plus affectés. En 2016 déjà, un tiers des résidents de Caroline du Nord touchés par les inondations provenant de l’ouragan Matthew vivaient sous le seuil de pauvreté [10]. Critiqué sur sa gestion de la situation à Saint-Martin et Saint-Barthélémy, le gouvernement français vient d’accepter le principe d’une commission d’enquête parlementaire.
Sophie Chapelle
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Photo : CC Stacey