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Bonne lecture
Mauvais citoyen ?
En 2019, 2020, 2021 et 2023, TotalEnergies n’a pas payé d’impôt sur les sociétés en France (et a même parfois touché de l’argent du fisc)
Raison invoquée ? Les activités françaises ne sont pas profitables et « TotalEnergies paie ses impôts là où le groupe extrait du pétrole et du gaz ».
Pour inaugurer notre nouvelle rubrique « Debunk », on est allé y regarder de plus près.
Cette plongée dans les documents du groupe livre quelques éléments de réponse.
D’abord, certes, TotalEnergies paie effectivement une grande partie de son impôt sur les sociétés dans les pays où il extrait du pétrole et du gaz, mais à des degrés très variables (et surtout en Norvège et au Royaume-Uni, assez peu dans les pays d’Afrique).
La localisation des bénéfices et donc des impôts acquittés reste cependant difficile à tracer du fait de la structuration du groupe.
Ensuite, le groupe réalise aussi des profits substantiels sur d’autres activités, notamment le négoce. Les deux filiales de trading du groupe, dont les salariés n’ont probablement jamais vu un puits de pétrole ou de gaz, représentent 30% des bénéfices de TotalEnergies en 2023. Elles sont basées en Suisse, et on ne sait pas combien d’impôt sur les sociétés elles ont versé.
TotalEnergies paie également beaucoup plus d’impôts en Allemagne qu’en France (600 millions d’euros pour être précis), alors que – sauf erreur de notre part – ce n’est pas un pays majeur d’extraction de pétrole et de gaz.
Conclusion : la France apparaît clairement mal lotie, du fait des arbitrages financiers et des décisions des dirigeants de TotalEnergies, et leurs explications sur le manque de compétitivité du raffinage français paraissent bien hypocrites.
Lire l’article : Est-il vrai que « TotalEnergies paie ses impôts là où le groupe extrait du pétrole et du gaz » ?.
Le « vrai monde caché »
Dans le livre Le coup d’État silencieux. Comment les entreprises ont renversé la démocratie, paru en anglais en 2023 et traduit en français par les Editions critiques, les journalistes Matt Kennard et Claire Provost parcourent le monde pour montrer comment les multinationales ont imposé en quelques décennies leur pouvoir aux dépens des Etats – en commençant par les pays du Sud de la planète.
Tribunaux arbitraux permettant de poursuivre les gouvernements en justice, privatisation de l’aide au développement pour servir des grands projets lucratifs aux dépens des populations locales, zones économiques spéciales où les règles communes ne s’appliquent plus, agents de sécurité privés... Le livre – pour lequel Matt Kennard et Claire Provost ont été récompensés d’un prix éthique décerné par l’association Anticor à l’occasion de sa 17e cérémonie annuelle – dépeint un monde où la souveraineté des Etats a été grignotée, neutralisée, et finalement mise au service des intérêts privés. Un monde qui est le nôtre.
Dans cet entretien avec Matt Kennard, réalisé à l’occasion de son passage à Paris pour recevoir son prix, il est notamment du question du rôle des médias et pourquoi ils parlent si peu de ce « vrai monde caché » que décrit le livre, pour reprendre une expression de Noam Chomsky à son propos.
À lire ici : « L’élection de Trump est la conclusion logique du coup d’État silencieux que nous racontons dans notre livre ».
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Soutenez l’ODMEn bref
Retrouvez-nous à Paris pour le lancement du livre Multinationales. Une histoire du monde contemporain. Dans deux semaines paraîtra aux éditions La Découverte un livre collectif sur les multinationales et leur histoire, publié en partenariat avec l’Observatoire des multinationales et Basta !, à la fois fresque historique et généalogie critique du monde d’aujourd’hui. À cette occasion, nous organisons une soirée-débat en présence d’auteurs et d’autrices du livre ainsi que de Sophie Binet et Lucie Pinson. Informations et inscriptions ici.
La France, championne de la dérégulation à Bruxelles. Prenant prétexte de l’élection de Donald Trump et de ses menaces de guerre commerciale, le gouvernement français a remis à l’ordre du jour à Bruxelles toute une série de vieilles revendications patronales. En ligne de mire, notamment, la récente directive sur le devoir de vigilance des multinationales, que la France souhaite voir reportée sine die. Mais aussi la taxonomie verte, les garde-fous en matière de stabilité financière, l’encadrement strict de de la « titrisation » mis en place suite à la crise de 2008, les règles environnementales de la politique agricole commune, la législation en matière de déchets ou encore le tout nouveau cadre législatif sur l’intelligence artificielle. Lire notre article.
Patrons français en mode Trump. Les grands patrons français cachent de moins en moins leur enthousiasme pour Donald Trump et Elon Musk. Dernier en date : Bernard Arnault, qui – peut-être pour détourner l’attention des résultats financiers annuels décevants de LVMH – s’est lancé dans une diatribe contre la régulation et contre la modeste proposition d’augmentation provisoire de l’impôt sur les sociétés en évoquant de possibles délocalisations aux États-Unis. Rappelons que Bernard Arnault avait déjà déménagé outre-Atlantique en 1981 par peur du gouvernement socialiste – c’est à cette occasion qu’il avait fait la connaissance de Donald Trump. Le PDG de LVMH était présent à la cérémonie d’investiture de ce dernier à Washington. Un autre milliardaire français était, lui aussi, discrètement dans les parages, Rodolphe Saadé, patron de CMA-CGM et du groupe de médias Altice (BFM, RMC), comme l’a révélé La Lettre. Théoriquement, la présence aux cérémonies nécessite que les entreprises versent une contribution financière, mais aussi bien LVMH que CMA-CGM assurent que ça n’a pas été le cas.
Comment détruire un désert. Depuis plus de dix ans, l’entreprise Eramet, héritières des intérêts miniers coloniaux français, extrait du zircon et d’autres minéraux à usage industriel au Sénégal. Et depuis dix ans, les riverains lui reprochent de tout détruire au passage : de précieux écosystèmes abritant un importante agriculture maraîchère, et aujourd’hui l’iconique désert de Lompoul. Mais le vent est en train de tourner, particulièrement depuis l’élection d’un nouveau gouvernement se posant en défenseur de la souveraineté sénégalaise. Lire l’article dans notre nouvelle rubrique « Sur le front » : La colère monte au Sénégal contre Eramet et ses activités minières.
Bangladesh : les ouvrières du textile pas sorties de la crise. Il y a un peu plus d’un an, un mouvement social massif agitait l’industrie textile du Bangladesh pour des augmentations de salaire. Violemment réprimés, les ouvriers et ouvrières du secteur se sont vengés en participant aux manifestations de l’été 2024 qui ont mené à la chute de la Première ministre Sheikh Hasina. Mais l’activité dans le secteur a ralenti et, selon les patrons d’usines, les grandes marques occidentales ont détourné une partie de leurs commandes vers l’Inde et le Cambodge. Pire encore : malgré les interpellations de la société civile, elles n’ont pas fait le moindre geste pour s’opposer à la répression dont ouvriers et ouvrières continuent de faire l’objet. Lire l’article, également dans notre nouvelle rubrique « Sur le front » : Les grandes marques de prêt-à-porter enfoncent les ouvrières du Bangladesh dans la crise.
Cette lettre a été écrite par Olivier Petitjean.