L’année dernière, les patrons des grandes multinationales s’étaient rendus en masse au premier grand forum économique organisé par l’Arabie saoudite, surnommé le « Davos du désert ». Cette année, par contre, les défections se sont succédées suite à l’assassinat présumé du journaliste Jamal Khashoggi par des agents du régime saoudien en Turquie. Google, JP Morgan, HSBC, BlackRock, Ford, BNP Paris, Goldman Sachs, EDF, Siemens et même Glencore... Autant de firmes dont les dirigeants ont annoncé qu’ils ne se rendraient finalement pas à Riyad pour l’événement. Les secteurs de la finance et de la technologie sont particulièrement concernés. Plusieurs dirigeants politiques ont également annoncé qu’ils annulaient leur participation.
L’émoi international suscité par la disparition de Jamal Khashoggi et l’opprobre jetée sur le régime saoudien, quoique justifiés, font contraste avec la relative indifférence affichée vis-à-vis des atteintes aux droits de l’homme ou de la répression d’opposants dont se rendent coupables bien d’autres gouvernements dans le monde. Y compris les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité dont est accusée depuis plusieurs années l’Arabie saoudite dans le cadre de la guerre au Yémen. Il rappelle par sa forme les élans d’indignation et les appels aux boycott suscités par la politique de Donald Trump aux États-Unis - Trump dont les liens politiques et économiques avec la famille royale saoudienne sont d’ailleurs également mis en cause.
Bien sûr, cela ne signifie pas que toutes ces entreprises, qui se sont ainsi empressées de sauver les apparences éthiques, ont pour autant coupé leurs liens économiques avec l’Arabie saoudite et son gouvernement. C’est vrai pour les secteurs de l’armement et de l’énergie, dont le royaume est un client et un partenaire important. Quelques leaders politiques ont timidement évoqué la possibilité de cesser les livraisons d’armes à la coalition saoudienne, mais leurs appels ne trouvent pas beaucoup d’échos jusqu’à présent.
C’est vrai aussi, plus discrètement, pour le secteur technologique. La Silicon Valley est traditionnellement soucieuse de préserver son image positive et inoffensive, mais de fait, le royaume saoudien a énormement investi ces dernières années dans des firmes comme Uber ou Tesla.
Du côté des entreprises françaises
Comme le note Libération, plusieurs des multinationales françaises dont les dirigeants se sont décommandés enverront tout de même bel et bien une délégation à Riyad. Et certains PDG tricolores ont refusé de répondre à l’appel au boycott, comme Sébastien Bazin d’AccorHotels, qui négocie actuellement de gros projets en Arabie saoudite, ou encore Patrick Pouyanné, PDG de Total.
Ce dernier a indiqué que son entreprise n’a « jamais été favorable aux mesures de sanctions et d’isolement » (lire effectivement notre enquête sur la Russie et l’Iran) et qu’il souhaitait se rendre à Riyad « par fidélité ».
Total a fait ces dernières années d’importants investissements en Arabie saoudite, avec notamment la construction de la raffinerie géante de Jubail, au moment où l’entreprise fermait celle de Dunkerque en France. Il y a quelques mois, Total et ses partenaires saoudiens ont annoncé la construction à proximité de la nouvelle raffinerie d’un immense complexe pétrochimique.
OP
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Photo : Edward Musiak CC via flickr