Selon les calculs de l’AFL-CIO, compilés dans le site PayWatch, le patron américain le mieux payé en 2016 était Sundar Pichai, patron d’Alphabet, la maison-mère de Google, avec un peu plus de 100 millions de dollars. Une nouvelle règle a été introduite par l’administration fédérale américaine, juste avant l’arrivée au pouvoir de Donald Trump, pour forcer les grandes entreprises cotées en bourse à révéler, à partir de cette année – c’est-à-dire dans les rapports financiers 2017 qui seront publiés au printemps 2018 – le ratio entre la rémunération des dirigeants et le salaire médian dans l’entreprise. Les grands lobbys économiques se sont opposés avec acharnement à la mise en œuvre de cette obligation, votée par le Congrès en 2010. Selon le New York Times, ils font aujourd’hui le siège de Donald Trump pour obtenir son abandon pur et simple.
Selon un autre mode de calcul, effectué début mai par Bloomberg, le patron le mieux payé des États-Unis n’est autre que Marc Lore, le directeur du e-commerce chez Wal-Mart. Celui-ci est en tête du classement avec une rémunération de près de 237 millions de dollars en 2016. Soit environ 4,5 millions de dollars par semaine ! Il est suivi par Tim Cook (Apple, 150 millions), John Weinberg (Evercore, une banque d’investissement, 124 millions), Sundar Pichai (Google/Alphabet, 106,5 millions) et Elon Musk (Tesla, 99,7 millions). Ces rémunérations prennent en compte le salaire, les bonus, les primes spéciales, les indemnités et pensions.
Travailler 199 ans pour une semaine de salaire du PDG
Quant aux salariés au bas de l’échelle de Wal-Mart, ils sont parmi les plus mal payés des États-Unis, autour de 11 dollars de l’heure. Il faudrait qu’ils travaillent 199 ans rien que pour gagner ce que Marc Lore a engrangé en une semaine l’année dernière. Ces travailleurs pauvres sont extrêmement dépendants des diverses aides sociales distribuées par le gouvernement américain. Une situation dans laquelle beaucoup dénoncent une forme de subvention cachée à Wal-Mart. Selon l’organisation Americans for Tax Fairness, le montant de cette aide publique cachée, lui permettant de continuer à verser des salaires de misère à ses employés, est estimée à 2,6 milliards de dollars par an.
Certaines villes et États américains ont d’ailleurs commencé à réagir. Portland, en décembre dernier, a passé une ordonnance visant à surtaxer les entreprises qui présenteraient de trop fortes inégalités salariales. Concrètement, les firmes dont les dirigeants gagnent plus de 100 fois le salaire médian de leurs employés verront leur impôt sur les sociétés augmenter en conséquence. Des mesures similaires sont proposées à San Francisco, dans le Connecticut, l’Illinois, le Minnesota, Rhode Island et le Massachusetts.
La même idée se retrouve aujourd’hui dans le programme publié par le Labour en vue des élections qui doivent se tenir le 8 juin prochain en Grande-Bretagne. Le parti de Jeremy Corbyn propose de taxer à 2,5% les rémunérations patronales qui excéderaient 20 fois le salaire vital national (16 500 livres par an), et à 5% celles qui excéderaient 20 fois le salaire médian (25 000 livres). Les entreprises dont les rémunérations patronales seraient taxées à 5% seraient également privées de marchés publics.
Olivier Petitjean
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Photo : Christopher Dilts / UFCW International Union CC via flickr