En avril 2013, l’effondrement de l’immeuble Rana Plaza, au Bangladesh, faisait plus de 1100 victimes et attirait l’attention du monde entier sur les conditions de sécurité et de travail des ouvrières textiles dans ce pays, où se fournissent massivement les grandes marques occidentales. Dans la foulée de la catastrophe avait été signé l’« Accord du Bangladesh sur la sécurité contre les incendies et la sécurité des bâtiments », associant multinationales donneuses d’ordre, syndicats internationaux et ONG, sous l’égide de l’Organisation internationale du travail. Cet Accord faisait figure de petite révolution puisque c’était la première fois que des multinationales prenaient certains engagements contraignants en ce qui concerne les conditions de travail chez leurs fournisseurs, et acceptaient que syndicats et ONG aient leur mot à dire sur le processus.
Quatre ans plus tard, comme le rappelle le collectif Éthique sur l’étiquette, l’Accord a permis de résoudre « plus de 100 000 problèmes de sécurité identifiés par les inspections dans 1 800 usines de confection, employant au total plus de 2,5 millions de travailleurs ». Alors qu’il devait arriver à expiration en mai 2018, une nouvelle version vient d’être signée, qui en reprend les grandes lignes tout en renforçant certains aspects.
Plus de 215 grandes marques se fournissant au Bangladesh avaient signé la première mouture de l’Accord. Au 10 juillet, elles n’étaient encore que 17 (dont les poids lourds H&M, Primark et Inditex) à avoir signé le nouvel Accord, qui doit courir de 2018 à 2021. Dans cette liste de signataires, on remarque l’absence des groupes français qui avaient signé le premier accord, Carrefour, Auchan et Camaïeu. Les directions de Carrefour et Auchan nous ont fait savoir qu’elles signeraient le nouvel Accord. Leurs noms avaient été évoqués en lien avec le drame du Rana Plaza, des étiquettes de leurs marques ayant été retrouvées dans les décombres. Aussi bien Carrefour qu’Auchan ont toujours nié une quelconque responsabilité dans la catastrophe, évoquant une sous-traitance sauvage (lire notre enquête). Des associations françaises ont déposé plainte contre Auchan pour « pratique commerciale trompeuse », dénonçant le grand écart entre sa communication éthique et ses pratiques réelles de sous-traitance (lire notre article).
Nouveau drame
Quelques jours à peine après le renouvellement de l’Accord, illustrant la persistance des problèmes de sécurité, l’explosion d’une chaudière dans une usine textile de Gazipur a fait au moins 11 morts et une cinquantaine de blessés. Le bilan aurait pu être bien plus lourd, la plupart des employés de l’usine étant partis en congés pour célébrer l’Aïd el-Kebir.
L’usine Multifabs, qui fournissait de nombreuses marques européennes (principalement allemandes et scandinaves), était couverte par l’Accord et avait été récemment inspectée pour ce qui concerne la sécurité incendie. Les chaudières proprement dites, elles, ne sont toujours pas dans le périmètre de l’Accord, malgré les demandes répétées des ONG et des syndicats, et restent de la responsabilité de l’État bangladeshi.
Comme le souligne la fédération internationale IndustriALL, l’usine n’avait pas de syndicats. « Le nouvel Accord du Bangladesh met davantage l’accent sur les droits des travailleurs à la liberté syndicale, souligne son secrétaire général Valter Sanches. Les travailleurs sont les yeux et les oreilles de l’usine dans laquelle ils travaillent et, grâce au soutien d’un syndicat, ont davantage qualité pour revendiquer des conditions de travail sûres et refuser d’effectuer un travail dangereux. »
Olivier Petitjean
Cet article a été mis à jour le 11 juillet à 18 heures après que les directions de Carrefour et Auchan nous aient fait savoir qu’elles signeraient le nouvel Accord.
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Photo : IndustriALL