L’onde de choc provoquée par la catastrophe de Rana Plaza et ses 1180 victimes n’en finit pas de rebondir et de se répercuter dans des directions inattendues. En plus d’avoir suscité un débat international sur les filières textiles et sur la responsabilité des grandes marques, il a entraîné au Bangladesh une vague de protestation ouvrière - parfois violemment réprimée. Il a aussi contribué à attirer l’attention sur toute une série d’accidents plus ou moins graves ayant touché des usines dans les semaines qui ont suivi la catastrophe - accidents qui constituent le lot quotidien des travailleurs et travailleuses du textile, mais qui passent généralement inaperçus.
Parmi ces incidents, un épisode d’empoisonnement collectif de plusieurs centaines d’ouvrières début juin à Gazipur, dans une usine de la firme Starlight Sweaters. (Cette usine semble avoir fabriqué des sweat-shirts pour le groupe français Carrefour, entre autres.) Deux semaines plus tard, de nouveaux cas de malaises collectifs et d’hospitalisation de centaines d’ouvrières étaient signalés simultanément dans plusieurs autres usines.
La piste d’une contamination de l’approvisionnement en eau de ces usines a immédiatement été évoquée par les autorités et par la presse, d’autant que cette hypothèse s’accordait bien avec les images d’insalubrité et de conditions de travail précaires qui ont fait la une des journaux.
Dans un climat social très tendu, les propriétaires des usines et les représentants des groupes industriels n’ont pas hésité quant à eux à envisager un empoisonnement intentionnel.
« Maladie psychogénique de masse »
En fait, selon le magazine scientifique américain Christian Science Monitor, les tests effectués dans les instituts scientifiques bangladeshi suite au premier épisode de contamination n’auraient rien révélé d’anormal dans l’eau [1]. L’explication serait plutôt à chercher dans une « maladie psychogénique de masse » provoquée par le climat de peur et d’insécurité qui s’est installé parmi les ouvrières suite à la catastrophe de Rana Plaza et à des milliers d’accidents moins médiatisés.
Une explication peut-être moins saugrenue ou condescendante qu’il ne pourrait paraître au premier abord. Mosherafu Mishu, leader du Garment Workers Unity Forum, une groupe de défense des droits des ouvriers textiles, confirme qu’une sorte de psychose collective règne dans les ateliers suite à une série d’accidents meurtriers dont la catastrophe de Rana Plaza n’a été que le point culminant. Ce sentiment d’insécurité, conjugué à des conditions de vie et de travail très dures, affectent fortement ces groupes d’ouvrières souvent très jeunes.
Le fait que l’eau ne soit pas en cause n’est donc peut-être pas très rassurant quant aux conditions qui règnent réellement dans ces usines.
Olivier Petitjean
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