20.04.2016 • Évasion fiscale

Ce que disent les « Panama Papers » des banques et des multinationales françaises

Il y a deux semaines éclatait le scandale des « Panama Papers », mettant en lumière l’utilisation massive de sociétés offshore par des riches particuliers ou des entreprises pour mettre discrètement leur argent hors de portée du fisc. Une nouvelle révélation – qui vient après de nombreuses autres – de l’ampleur des pratiques d’évasion fiscale et du rôle trouble des banques. Des firmes françaises sont directement impliquées, à commencer par la Société générale. Revue de presse.

Publié le 20 avril 2016

Les « Panama Papers », ce sont les fichiers d’un cabinet panaméen spécialisé dans l’enregistrement de sociétés offshore de convenance, avec des actionnaires et des dirigeants fictifs pour cacher les véritables bénéficiaires, dans des pays où les impôts sont faibles ou inexistants.

L’analyse et la divulgation simultanée de ces informations par plusieurs médias dans le monde ont été coordonnées par le Consortium international du journalisme d’investigation (ICIJ) – associé en France au Monde et à l’émission « Cash investigation ». Contrairement à ses prédécesseurs comme « Luxleaks », le scandale concerne majoritairement des individus et non des entreprises. On y retrouve de nombreux dirigeants politiques, y compris européens, ainsi que des personnalités du monde de l’art et du sport. Mais aussi tout de même quelques firmes. Et bien sûr, il y a les banques, qui ont fait tourner à plein ce système.

La Société générale, vedette des Panama Papers

La Société générale figure parmi les principaux clients du désormais célèbre cabinet Mossack Fonseca, spécialisé dans l’enregistrement de sociétés offshore pour le compte d’entreprises ou de riches particuliers. En tout, la SocGen lui a demandé d’enregistrer – via ses filiales au Luxembourg, en Suisse, aux Bahamas et dans d’autres territoires considérés comme des paradis fiscaux - pas moins de 979 sociétés offshore entre 1977 et 2015. Elle n’est devancée dans ce classement que par trois autres banques, déjà éclaboussées par des scandales d’évasion fiscale : HSBC, UBS et Crédit suisse.

Les dirigeants de la Société générale avaient pourtant annoncé en 2010 cesser toute activité au Panama. Selon les informations collectées par l’ICIJ, le rythme de création de sociétés offshore s’est effectivement ralenti depuis 2012, et certaines ont été fermées. D’autres restent néanmoins actives.

Lire l’article du Monde pour plus de détails

Derrière le scandale, des pratiques bien connues

Un rapport publié il y a quelques semaines par un groupe d’ONG montrait déjà que la Société générale est la banque française la plus impliquée dans les paradis fiscaux, d’où elle tire des profits quatre fois supérieurs à ceux réalisés dans les autres pays (cf. Les banques françaises solidement ancrées dans les paradis fiscaux).

Comme d’habitude, le gouvernement français a affiché sa « fermeté » et convoqué Frédéric Oudéa, patron de la Société générale. L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution a demandé aux banques françaises un reporting supplémentaire sur leurs activités dans les paradis fiscaux. Une nouvelle liste de paradis fiscaux pourrait être mise en place, alors que celles qui existaient ont été progressivement vidées de leur substance. Mais on peut s’interroger sur l’impact réel de ces effets d’annonce, inlassablement ressassés après chaque nouveau scandale.

Certains sénateurs, comme le communiste Éric Bocquet, souhaitent que leur institution poursuive Frédéric Oudéa en justice ; il avait en effet déclaré sous serment devant une commission d’enquête que sa banque avait cessé toute activité dans les paradis fiscaux dont le Panama. « Il ne faut pas confondre une implantation détenue et opérée par une Banque et les sociétés ou structures qui sont détenues par nos clients », a répondu Frédéric Oudéa dans les colonnes du Figaro, en assurant que la banque a procédé à « des vérifications fiscales approfondies » pour toutes les activités offshore dans lesquelles elle est encore impliqué à un titre ou un autre. Un faux témoignage est passible d’une peine allant jusqu’à 5 ans de prison. (Le bureau du Sénat se prononcera sur les suites à donner le 28 avril.)

Au-delà des banques, d’autres firmes françaises en ligne de mire

Les sociétés offshore visées par les « Panama Papers » bénéficient dans la plupart des cas à des particuliers, mais certaines firmes françaises ont également eu recours à ce système pour réaliser des montages d’investissement complexes. Les journalistes du Monde se sont attardés sur les cas de quelques-unes d’entre elles, comme Apsys (promoteurs de centres commerciaux en Europe) ou la compagnie pétrolière Maurel et Prom. « Si toutes assurent être dans la légalité, les réponses de trois des entreprises dont les montages ont été examinés par Le Monde sont rarement à la hauteur des questions qu’ils soulèvent. » Exemple avec Maurel et Prom :

Sa concurrente Maurel & Prom, davantage tournée vers l’Afrique, a procédé de façon similaire pour ses investissements au Congo. Entre 2002 et 2005, l’établissement français a pris des participations dans trois sociétés offshore enregistrées aux Bahamas par l’intermédiaire de Mossack Fonseca : Zetah Congo Limited, Zetah Noumbi Limited et Zetah Kouilou Limited. Des participations qui figurent au bilan de Maurel & Prom, mais qu’elle n’a pas souhaité commenter, se bornant à déclarer qu’elles avaient été cédées à ENI Congo en 2007. Or, les données internes de Mossack Fonseca montrent que Maurel & Prom n’a cédé ses participations dans Zetah Kouilou qu’en 2012 et restait en 2015 l’actionnaire majoritaire de Zetah Noumbi aux côtés de la filiale congolaise de la société pétrolière londonienne Afren.

Lire l’article complet du Monde

Il faut mentionner enfin que le groupe Altice du milliardaire Patrick Drahi a géré pendant un temps ses investissements dans la presse via une holding basée au Panama. Cette holding aurait été depuis transférée dans un autre paradis fiscal, Guernesey (lire l’article de Mediapart).

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