Se présentant sous forme de petites ampoules en verre de 1 à 5 cm de long, ces parafoudres sont interdits depuis 1978 : ils contiennent du radium 226, du tritium, ou encore du thorium 232, autant d’éléments radioactifs. Ils sont progressivement retirés par des agents d’Orange et des sous-traitants. Problème : en cas de manipulations, ils peuvent se révéler dangereux. 400 000 de ces parafoudres radioactifs sont actuellement stockés en Auvergne, en attendant une solution d’élimination définitive. Selon une analyse récente de la Criirad, les travailleurs en charge de leur transport et de leur dépôt dans les lieux de stockage sont exposés à un risque d’inhalation de radon et de tritium.
Des fuites dans un centre de stockage
Les fûts en plastique où les parafoudres sont stockés fuient, l’air ambiant du local de stockage est donc pollué. Le danger augmente en cas d’ouverture des fûts. La Criirad y a en effet mesuré une très forte activité : 2 millions de becquerels par litre (Bq/L) pour le tritium, alors que le seuil d’alerte se situe à 100 Bq/L. Idem pour le radon : les quantités relevées dépassent de plus de 300 fois le seuil d’alerte. « Si vous respirez les bouffées de cet air cumulé pendant une à deux heures, vous dépassez la dose annuelle tolérée pour le public », précise Bruno Chareyron, responsable de la Criirad, cité par le magazine Santé et travail. « On avait un sérieux doute sur l’étanchéité des bidons, même si la direction prétendait le contraire », avance Frank Refouvelet, syndiqué à la CGT et lanceur de l’alerte sur les risques liés aux parafoudres radioactifs.
« La direction et les services de prévention et de santé au travail ont toujours fait comme si c’était anodin. Alors que nous, sur le terrain, on voit les collègues mourir, déplore le syndicaliste. C’est à cause de ces morts que l’on a commencé à se mobiliser. » L’affaire remonte à une décennie. En 2006, un délégué du personnel CGT, Guy Berthod, s’alarme du nombre anormalement élevé de cas de cancers parmi les agents de France Télécom de Riom-ès-Montagnes, dans le nord du Cantal (Auvergne) : sur 22 agents, 10 sont malades d’un cancer !
Expositions multiples à des cancérogènes
Luttant contre une direction qui nie les liens entre les cancers et le travail, plusieurs syndiqués CGT, dont Frank Refouvelet et Yves Colombat, obtiennent à partir de 2008 l’aide du professeur Henri Pézérat, le scientifique qui a révélé le scandale de l’amiante en France. En Mars 2009 une expertise indépendante établit un lien entre les cancers et les maladies professionnelles. La reconstitution des parcours professionnels met en évidence des expositions à de nombreux cancérogènes, qui viennent s’ajouter aux irradiations : amiante, arsenic, acides, trichloréthylène [1].
En 2010, une première étude de la Criirad montre que certains parafoudres manipulés quotidiennement par les travailleurs émettent une forte radioactivité. Mais six mois plus tard, un questionnaire met en lumière que de nombreux agents ne connaissent toujours pas les dangers liés aux parafoudres. « Les risques liés à ces parafoudres ont toujours été sous-estimés, s’insurge Frank Refouvelet. Cela continue. Ils parlent d’un million de parafoudres à retirer, mais dans la seule Auvergne, on en a stocké à ce jour plus de 400 000, et ce n’est pas terminé ! »
Les syndicalistes ont réussi à obtenir que la mission de retraits et de stockage soit stoppée en Auvergne. Les sites d’entreposage ont été confinés. Le 12 avril, la CGT est intervenue auprès de l’Autorité de sureté nucléaire, censée suivre les opérations de retrait (lire ici), pour que la mission de stockage des parafoudres soit suspendue partout en France. En dehors de l’Auvergne, où les agents se sont battus pour garder la main sur cette activité très dangereuse, ce sont les sous-traitants qui sont chargés du retrait et du stockage des parafoudres [2].
Nolwenn Weiler