Les énergies fossiles (charbon, gaz, pétrole) constituent de loin la principale source de gaz à effet de serre, et la plupart des scientifiques s’accordent sur le fait qu’au moins 80% des réserves fossiles encore disponibles doivent rester dans le sol si nous voulons éviter les pires impacts du dérèglement climatique. Mais la solution en apparence évidente à la crise climatique – l’organisation d’une sortie rapide des énergies fossiles – s’est toujours heurtée à la puissance économique et politique des multinationales du secteur et de toutes celles qui dépendent directement ou directement des énergies fossiles.
Initié par le mouvement 350.org (lire notre entretien avec May Boeve, sa directrice exécutive), la campagne pour le désinvestissement a été peu à peu rejointe par des institutions religieuses, des universités, des fondations et organisations caritatives et, de plus en plus, des fonds de pension et d’autres grands investisseurs publics et privés (comme le fonds souverain norvégien ou encore le fonds de pension des fonctionnaires californiens). Au total, selon le dernier décompte, ce sont 436 institutions et 2040 individus (dont Leonardo diCaprio), dans 43 pays, qui se sont désormais joints au mouvement. Une bonne partie de l’argent ainsi retiré du secteur des énergies fossiles a été directement réinvestie dans les énergies renouvelables ou l’efficacité énergétique.
Frilosité française
En France, l’ONG catholique CCFD Terre Solidaire a été la première à franchir le pas, et son exemple pourrait rapidement faire des émules. Du côté des fonds de retraite publics en revanche, (comme l’Ircantec, l’ERAFP ou encore le Fonds de réserve des retraites, dont l’Observatoire des multinationales avait étudié les investissements en début d’année), on se cantonne pour l’instant dans une attitude frileuse, en n’affichant qu’une volonté de « décarbonisation » très progressive de leurs investissements, sans exclusion directe des énergies fossiles. Le secteur de l’économie sociale et solidaire est lui aussi concerné, comme l’illustre la participation de la Macif au capital de Maurel et Prom, une entreprise pétrolière française aux pratiques controversées (lire notre enquête).
Tout comme la campagne de boycott de l’Afrique du Sud de l’apartheid des années 1970 et 1980, qui en constitue le modèle avoué, le mouvement pour le désinvestissement des énergies fossiles se veut un mouvement de protestation éthique contre l’inaction des gouvernements et la complicité des acteurs économiques en matière de dérèglement climatique.
Sa croissance exponentielle met en lumière, par contraste, l’apathie des gouvernements et des institutions internationales. C’est le cas en particulier du gouvernement français qui, en vue de la Conférence internationale sur le climat de Paris à la fin de l’année, a choisi d’accorder une large place à des champions des énergies sales comme Engie, EDF, Renault, Air France ou BNP Paribas, au prétexte qu’ils peuvent « faire partie de la solution » (lire Pour sponsoriser la Conférence climat de Paris, le gouvernement choisit les multinationales françaises les plus polluantes). La montée en puissance du mouvement de désinvestissement contribuera-t-elle à briser cette logique de résignation ?
Olivier Petitjean
—
Photo : Alex cc-nc