08.11.2022 • Greenwashing

Coca-Cola, EgyptAir, Orascom, Microsoft... Les douteux sponsors de la COP27

La COP27 qui s’est ouverte cette semaine en Égypte est sponsorisée par des multinationales au profil pour le moins contestable.

Publié le 8 novembre 2022 , par Chiara Pignatelli

La 27e édition de la Conférence internationale sur le climat (COP27) s’est ouverte ce lundi à Charm El-Cheikh, en Égypte. Comme la plupart des COP précédentes, cette conférence intergouvernementale qui doit décider de l’avenir de notre planète est « sponsorisée » par des grandes entreprises. En plus d’offrir une respectabilité internationale au régime répressif du président al-Sissi, la COP27 fournit ainsi également une tribune à des multinationales pour le moins controversées.

En 2015, pour la COP21 à Paris, le gouvernement français avait choisi de recourir à une vingtaine de champions français dont Engie et EDF, très impliqués dans le charbon (lire nos enquêtes d’alors). En 2017, BNP Paribas, aujourd’hui mise en demeure dans le cadre de loi sur le devoir de vigilance pour ses activités de financement des énergies fossiles, était un sponsor de la COP23 à Bonn. L’année suivante, la COP24 à Katowice, en Pologne, était sponsorisée par des entreprises nationales de charbon et de gaz. L’année dernière, la COP26 à Édimbourg, considérée comme une édition capitale, était sponsorisée par des multinationales comme Microsoft, Unilever, GSK ou encore le groupe Jaguar Land Rover.

L’édition de cette année, présentée comme celle de la « mise en œuvre », du « passage des promesses aux actes », compte à nouveau parmi ses sponsors des entreprises dont le profil pose question.

Source : site officiel de la COP27

Parmi les géants du numérique, Microsoft est le plus important partenaire de l’industrie du gaz et du pétrole. La firme collabore notamment avec la major pétrolière ExxonMobil sur des programmes d’intelligence artificielle pour l’extraction d’hydrocarbures. Ce contrat représenterait 20% de l’empreinte carbone annuelle de Microsoft. Dans le même secteur, l’américain IBM finance des programmes de « carbon farming », une pratique qui vise à stocker le carbone dans la terre pour diminuer les émissions des activités agricoles, qualifiée de greenwashing par des associations écologistes. La firme a notamment conclu un partenariat important avec Yara International, une entreprise norvégienne leader des d’engrais de synthèse.

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Dans le secteur des transports, EgyptAir, la compagnie aérienne égyptienne, est elle aussi partenaire de la COP27. Tout comme General Motors, multinationale américaine du secteur automobile. Or l’avion et l’automobile individuelle sont les principales sources d’émissions de gaz à effet de serre du secteur des transports, et elles continuent à augmenter du fait des stratégies des industriels. Le constructeur américain a d’ailleurs été pointé du doigt par une enquête de l’agence Environment &Energy, qui a montré que General Motors et Ford avaient connaissance de l’ampleur de l’impact de l’automobile sur le climat depuis les années 1960.

Infrastructures, transport, numérique : des secteurs très liés aux énergies fossiles

Le secteur des infrastructures et de la construction est également très présent dans cette édition égyptienne de la COP. Orascom Construction, un autre sponsor, a construit ces dernières années des infrastructures pour les énergies fossiles comme, en Égypte même, le terminal de produits raffinés Sokhna Hub et la centrale électrique Burullus, l’une des plus importantes au monde, ou encore l’installation de gaz-méthanol Natgasoline au Texas. La centrale électrique Burullus est exploitée par le groupe allemand Siemens, également partenaire de la COP27 et impliqué dans de nombreuses centrales similaires dans le monde qui produisent de l’électricité à partir de sources fossiles. On trouve aussi parmi les sponsors de la COP Hassan Allam Holding, première société égyptienne d’ingénierie, de construction et d’infrastructure opérant notamment dans le secteur du pétrole, du gaz et de la pétrochimie.

La présence parmi les sponsors du cabinet de conseil Boston Consulting Group (BGC), qui avait déjà été choisi par le Royaume-Uni pour organiser la COP26 avec un contrat de 1,18 million de livres, est également controversée en raison de ses collaborations avec les plus grosses entreprises mondiales de pétrole et de gaz. Idem pour la fondation Bloomberg Philanthropies qui finance la « Taskforce on Scaling Voluntary Carbon Markets ». Cette initiative visant à étendre le marché des crédits carbone regroupe une cinquantaine d’entreprises parmi lesquelles Shell, Total, Unilever, Easyjet, RWE, BP, Tata Steel ou encore Nestlé. Un Who’s Who plus gros pollueurs de la planète.

Le champion mondial du plastique peut-il sponsoriser une conférence climat ?

Mais le sponsor de la COP27 qui a fait le plus couler d’encre dans les médias est Coca-Cola. Troisième entreprise agroalimentaire mondiale, elle arrive pour la quatrième fois consécutive en tête du classement du plus gros pollueurs de l’ONG Break From Plastic. John Hocevar, directeur de la campagne Océans chez Greenpeace a estimé que ce partenariat avec Coca-Cola « sape l’objectif même de l’événement qu’il cherche à parrainer ».

La présence de ces entreprises polluantes en bonne place dans les négociations internationales pour le climat est loin d’être anodine. Ce type de partenariat offre l’occasion aux multinationales d’organiser des événements en marge des négociations officielles, s’offrant ainsi un accès privilégié à des personnalités parmi les plus influentes de la planète. Le sponsoring leur offre aussi une vitrine médiatique pour se présenter comme des groupes engagés pour le climat, alors que la société civile et les militants du climat peinent à se faire une place. Marie Cosquer, chargée du plaidoyer pour l’ONG Action contre la faim, expliquait ainsi au Monde : «  Nous, société civile, avons énormément de mal à suivre ces conférences, à nous accréditer, à voyager, à nous loger. Les grandes multinationales n’ont pas ces problèmes et ne jouent pas sur le même terrain. Cela décrédibilise beaucoup cet espace multilatéral qu’est la COP. »

Chiara Pignatelli

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