« De nouvelles analyses révèlent les connexions entre les paradis fiscaux et la dégradation des ressources dans la forêt amazonienne et au niveau de la pêche mondiale », souligne l’institut Stockholm Resilience Center, basé à l’université de Stockholm, qui a réalisé une étude publiée mi-août.
« La publication des Paradise Papers et des Panama Papers a rendu tout à fait clair que les paradis fiscaux peuvent causer un grand nombre d’impacts négatifs au niveau politique, économique et social », écrivent les chercheurs. Aujourd’hui, leur étude, publiée dans la revue Nature Ecology and Evolution, montre « comment les paradis fiscaux soutiennent des activités économiques qui ont aussi de graves impacts environnementaux ». Comment ont-ils procédé ? L’équipe internationale de chercheurs a examiné la provenance des capitaux étrangers qui financent les secteurs du bœuf et du soja dans l’Amazonie brésilienne [1]. L’élevage et le soja y sont les deux grandes causes de la déforestation. L’analyse montre qu’« un total de 26,9 milliards de dollars de capitaux étrangers a été transféré vers ces secteurs entre octobre 2000 et août 2011. Sur ces capitaux, 18,4 milliards venaient de paradis fiscaux ». C’est donc près de 70 % des capitaux étrangers investis dans le soja et l’élevage de bœufs qui provient de paradis fiscaux. En retraçant d’où vient cet argent de la déforestation, on remonte aux îles Caïmans, aux Bahamas, aux Antilles néerlandaises et au Panama…
Les flux de capitaux étrangers transférés de paradis fiscaux vers des entreprises des secteurs du bœuf et du soja en Amazonie brésilienne entre octobre 2000 et août 2011. Illustration : J. Lokrantz, Azote. Stockholm Resilience Center.
L’étude a aussi analysé le rôle des paradis fiscaux dans la pêche illégale. Conclusion ? « 70% des navires responsables de la pêche illégale, et pour lesquels des informations sont disponibles sur leur pavillon de rattachement, naviguent sous un pavillon domicilié dans un paradis fiscal, en particulier à Belize et au Panama. » Le Panama est le premier pays pour les pavillons dits de complaisance, où peuvent être immatriculés des navires sans que ni l’armateur ni l’équipage n’aient de lien avec le territoire (lire notre article Sur les océans, comment les marins subissent de plein fouet les vagues de la dérégulation). Dans le secteur maritime, les pavillons de complaisance permettent aux armateurs de payer moins d’impôts, d’échapper au droit du travail et aux réglementations en matière de sécurité.
Les chercheurs de l’institut suédois soulignent donc que cette pratique contribue aussi à la pêche illicite et, ainsi, à l’épuisement des ressources naturelles. « Notre analyse montre que le recours aux paradis fiscaux n’est pas seulement un défi socio-politique et économique, mais aussi une enjeu environnemental », écrit l’auteur principal de l’étude, Victor Galaz. Pour lui, il est temps que la communauté internationale mette la question des paradis fiscaux à l’agenda du programme de l’ONU pour un développement soutenable [2].
Rachel Knaebel
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Photo : CC Rainforest Action Network