10.02.2016 • Influence

Comment le lobby agroalimentaire tente de saboter l’étiquetage nutritionnel

La France doit mettre en place d’ici la fin de l’année un système d’étiquetage nutritionnel des aliments pour mieux guider les consommateurs, mais la solution retenue par le ministère de la Santé - une gamme de 5 couleurs allant du vert à rouge - provoque la fureur du lobby agroalimentaire, qui lui préfère un système alternatif mis en place par Carrefour. Il a réussi à gagner le ministère de l’Agriculture à sa cause. Plongée dans les coulisses du lobbying à la française.

Publié le 10 février 2016

Rendant compte du livre récemment paru Les Cartels du lait, Mediapart explique les mécanismes par lesquels le lobby agroalimentaire a tenté de saboter les projets d’étiquetage nutritionnel défendus par le ministère de la Santé :

Qui a donc tenu la main du ministre de l’agriculture Stéphane Le Foll ? Un membre de son cabinet ? Un directeur de l’administration centrale chargé de l’agroalimentaire ? Ou encore quelqu’un d’autre ? Le 8 juillet 2015, Stéphane Le Foll décide de s’opposer par écrit au projet d’étiquetage nutritionnel que sa collègue et ministre de la santé Marisol Touraine défend depuis plus d’un an. Une étiquette faite d’une gamme de cinq couleurs, qui pourrait classer en rouge les produits à plus faible valeur nutritionnelle. Stéphane Le Foll, qui n’a aucune responsabilité ni compétence en matière de santé publique, rejoint ainsi la stratégie d’une puissante organisation professionnelle qui s’oppose pied à pied aux projets de prévention nutritionnelle de la ministre de la santé : l’Ania (Association nationale des industries alimentaires).

Dans leur livre « Les Cartels du lait » (éditions Don Quichotte), paru en librairie le 4 février, les journalistes Elsa Casalegno (France Agricole), Karl Laske (Mediapart) et Nicolas Cori (Les Jours) dévoilent les courriers et les notes internes des lobbyistes de l’industrie qui ont forcé la main du ministre.

Basée boulevard Malesherbes à Paris, l’Ania réunit les patrons des plus importants groupes laitiers de l’Hexagone : Antoine Fiévet, PDG du groupe Bel, Olivier Delamea, directeur général de Danone produits frais, Michel Nalet, directeur des relations extérieures du groupe Lactalis, Jean-Paul Torris, directeur général délégué de Savencia (ex-Bongrain), Richard Girardot, PDG de Nestlé France, et Frédéric Rostand, directeur général du géant coopératif Sodiaal. De 2004 à 2013, l’Ania a eu à sa tête l’ancien DGRH de Danone, Jean-René Buisson, connu comme le « porte-flingue » de la famille Riboud. Chargé de la fermeture des usines du groupe – Kanterbräu, Kronenbourg, Lu… – ce dirigeant musclé se souvenait d’avoir appris « à mener une compagnie de CRS au talkie-walkie », tandis que des salariés écrasaient symboliquement des buissons avec des camions devant les usines. En 2013, Buisson a été remplacé par un patron de PME, fabricant d’ingrédients pour la meunerie et la boulangerie, Jean-Philippe Girard. Mais la ligne de l’Ania est restée la même : inflexible.

Lire l’intégralité de l’article sur le site de Mediapart (abonnement).

Lire aussi notre article précédent sur le système alternatif d’étiquetage mis au point par Carrefour.

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