03.04.2017 • Contrôle sécurité

De la forge du Creusot à l’EPR de Flamanville : les défaillances de la filière nucléaire française viennent de loin

En 2014, des anomalies de fabrication étaient découvertes sur la cuve du réacteur de l’EPR de Flamanville, en cours de construction. Les enquêtes ont mis en lumière des lacunes criantes de sécurité et de contrôle dans l’usine d’Areva au Creusot, fournisseur de nombreux équipements pour l’industrie nucléaire. France Inter publie de nouveaux documents qui montrent que les lacunes du contrôle sécurité dans la forge du Creusot étaient connues depuis longtemps d’EDF et d’Areva, ce qui ne les a pas empêchées d’y faire construire des pièces cruciales pour la sécurité des centrales françaises et étrangères. Un nouveau coup pour la crédibilité de la filière nucléaire hexagonale.

Publié le 3 avril 2017

L’enquête de France Inter met en lumière l’origine ancienne des problèmes constatés à la forge du Creusot, notamment à la suite de sa reprise par l’homme d’affaires Michel-Yves Bolloré en 2003, qui y applique une logique de gestion financière :

Le frère aîné de Vincent (qui a refusé de répondre à nos questions) n’est pas à proprement parler passionné par la sidérurgie, témoigne René Dumont, qui dirigeait la forge à l’époque : « L’objectif de Bolloré était financier, il n’était pas spécialement technique. Je n’ai pas pu lui faire parler de stratégie industrielle. » De nombreux cadres désertent alors la forge. Au Creusot, on voit arriver de nouveaux sous-traitants, qui ne connaissent pas toujours bien le métier. L’usine connaît alors de nombreux problèmes de fabrication : pièces rebutées, suivi de la qualité défaillant... Comme l’ont déjà révélé nos confrères de l’Obs (article abonnés), les bâtiments sont mal entretenus et la forge s’éloigne peu à peu des standards extrêmement élevés requis par le nucléaire. Or, Areva et EDF étaient informés de cette situation. En témoignent deux courriers de l’ASN à l’électricien, jamais publiés jusqu’à aujourd’hui. Le premier remonte au 16 décembre 2005, presqu’un an avant la fabrication des éléments de la cuve de l’EPR.

Malgré ces alertes, Areva rachète l’usine trois ans plus tard, « pour la somme astronomique de 170 millions d’euros », Michel-Yves Bolloré les ayant acquis pour 800 000 euros trois ans plus tôt. Et le fonctionnement du site ne semble pas avoir substantiellement changé avec l’arrivée de l’opérateur nucléaire, jusqu’à la révélation des problèmes actuels.

Areva aurait donc été victime de "traditions locales", remontant à bien avant son rachat du site. L’argument fait hurler l’ancien directeur de la forge, René Dumont : "accuser les gens qui ont fait vivre cette forge pendant des décennies, qui ont fourni des tas de pièces dans le monde, d’avoir mis en place un système basé sur la magouille et la falsification, c’est de la calomnie. C’est surtout, je pense, le désir de camoufler ses propres manquements." De fait, lorsqu’on examine les falsifications les plus graves, celles qui auraient pu avoir un vrai impact du point de la sûreté nucléaire sont toutes relativement récentes et datent de l’époque Areva. Devant l’ampleur du désastre, l’entreprise est en train de reprendre tous les dossiers de fabrication de la forge depuis les débuts de l’industrie nucléaire. Un travail de titan : quatre millions de pages à examiner. Un audit mené sous la responsabilité... d’Areva. Cyrille Cormier, spécialiste du nucléaire chez Greenpeace s’étrangle : "comment avoir confiance en Areva là-dessus ? On peut craindre que de cet audit ne ressorte finalement que peu de choses par rapport à la réalité des défauts de production de l’usine."

Lire l’intégralité de l’enquête et les documents sur le site de France Inter.

OP

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Photo : Schoella CC via Wikimedia Commons

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