Avec plus de 1500 exposants du monde entier, Eurosatory est l’un des plus importants salons internationaux de l’industrie de la défense et de la surveillance. Et aussi l’un des plus contestés et des plus contestables, si l’on examine la liste des exposants. Il se tient aujourd’hui dans un contexte de boom du commerce des armes au niveau mondial. Un boom qui profite notamment à la France (mais aussi à l’Allemagne) qui a vu ses ventes d’armes exploser en 2015. L’hexagone serait en passe de devenir numéro deux mondial, derrière les États-Unis mais devant la Russie.
Une grande partie de ces armes sont exportées vers les pays du Moyen-Orient comme l’Arabie saoudite, le Qatar, l’Égypte ou les Émirats arabes unis. Aucun de ces régimes n’est particulièrement réputé pour son respect des droits de l’homme et de la démocratie, mais la diplomatie française a visiblement choisi de passer outre (lire nos articles ici et là). Et tant pis si certaines de ces armes sont utilisées dans le cadre du conflit au Yémen, où les belligérants sont accusés par l’ONU elle-même de crimes contre l’humanité. Les manifestants ont d’ailleurs choisi de repeindre en rouge le char Leclerc, produit de l’entreprise française Nexter, qui s’est illustré au cours de cette guerre.
Équipements de torture
À titre d’illustration de l’absence totale de garde-fous éthiques ou politiques qui semble régner dans l’industrie française de l’armement (publique et/ou privée), Amnesty international signale la présence au sein d’Eurosatory de nombreux stands de pays sous le coup d’embargos sur les armes, comme la Russie, la Chine ou la Biélorussie. Sont également à Villepinte des firmes françaises accusées par les Nations unies d’avoir violé l’embargo sur les exportations d’armes en Côte d’Ivoire : « ACMAT Defense, le groupe Marck et sa filiale Sofexi, Nobel Sport ou encore SAE Alsetex ».
Et bien entendu, des équipements de guerre extérieure aux moyens de répression intérieure, il n’y a souvent qu’un pas. C’est ainsi que les blindés vendus à l’Égypte par Renault Trucks auraient surtout été utilisés à l’intérieur de ses frontières (lire notre enquête). Une autre entreprise française tenant stand à Eurosatory, MagForce, y ferait même selon Amnesty la « promotion d’équipements de torture » - ce pourquoi elle a été bannie, il y a quelques années, d’un autre salon d’armement au Royaume-Uni. Les organisateurs d’Eurosatory ne semblent pas avoir autant de scrupules.
Amnesty rappelle aussi qu’Eurosatory n’est pas le seul salon français dédié à l’armement et à la répression. Il y a aussi le salon Euronaval, le salon du Bourget, ainsi que le salon Milipol, organisé en novembre dernier et qui se tiendra à nouveau fin 2017. Des firmes chinoises y avaient déjà exposé des équipements de torture théoriquement interdits en Europe. En pleine période de boom, l’industrie de l’armement et de la surveillance connaît-elle encore des tabous ?
Olivier Petitjean
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