Les deux présidents du Comité d’enquête du Sénat, le démocrate Carl Levin et l’ancien candidat républicain John McCain, exhortent le ministère de la Justice états-unien à demander l’extradition d’une soixantaine de banquiers et conseillers financiers suisses. Accusés d’avoir soutenu ou facilité des démarches d’évasion fiscale de contribuables américains, ils ne se sont pas présentés devant les tribunaux. Sur 35 banquiers et 25 conseillers financiers inculpés, 6 seulement ont été condamnés ou ont plaidé coupables, les autres sont en Suisse et « évitent tout procès pour leurs crimes présumés depuis des années », écrivent John McCain et Carl Levin, dans une lettre au Département de la Justice, envoyée le 18 mars.
Les accords d’extradition entre les États-Unis et la Suisse ne concernent pas les citoyens ayant « seulement » aidé à frauder les impôts. Mais une demande d’extradition formulée par le gouvernement des États-Unis pourrait être un symbole fort pour témoigner de sa détermination dans ces affaires judiciaires, pointent les deux responsables politiques. Ce courrier intervient alors que plusieurs banquiers suisses ont plaidé coupable ces dernières semaines devant les tribunaux américains, pour éviter des condamnations.
En janvier, Raoul Weil, ex-numéro trois de la banque suisse UBS, a plaidé « non coupable » devant un tribunal de Floride. Cet ex-directeur des activités de gestion de fortune d’UBS a été arrêté en Italie en 2013 et extradé vers les États-Unis. Le pays avait émis un mandat d’arrêt international à son encontre en 2009. Il doit répondre des infractions commises par les gérants de fortune de la banque, qui ont démarché plusieurs dizaines de milliers de clients aux États-Unis, et organisé l’évasion fiscale de 20 milliards de dollars sur des comptes non déclarés au fisc. Défense de Raoul Weil : il n’était pas au courant des activités illicites de ses chargés de clientèle. Une enquête menée en 2008 par la Finma, l’instance de contrôle des banques en Suisse, a conclu à sa non-implication dans ces délits. Il est accusé aux États-Unis de « complot en vue de frauder », une infraction passible de cinq ans de prison.
En 2009, UBS a accepté de verser 780 millions de dollars aux autorités américaines et de leur livrer les noms de 5000 clients soupçonnés de frauder le fisc, pour mettre fin aux poursuites envers la banque. C’est désormais l’autre grande banque suisse, Crédit suisse, qui est dans le collimateur de la justice, accusée d’avoir favorisé l’évasion fiscale de 19 000 contribuables américains. La banque, qui reconnait la faute, mais l’impute à ses salariés, négocierait actuellement une amende de 800 millions de dollars pour échapper aux poursuites. Les élus américains n’ont visiblement pas envie d’en rester là. La justice suivra-t-elle ?
Agnès Rousseaux
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Photo : alex.ch CC
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