La ville de Paris a en effet décidé en mars dernier de renouveler pour cinq ans (2018-2022) son contrat de mobilier urbain d’information municipale avec l’afficheur JCDecaux, en prévoyant que 15 % du parc soit numérique. Cette décision a été annulée par la justice, en raison du non-respect par le contrat du règlement local [2].
La mairie de Paris avance des arguments écologiques pour justifier le recours aux écrans numériques. Selon Jean-Louis Missika, adjoint à la maire de Paris, ces écrans numériques seront « connectés, contrôlés à distance et adaptés à leur emplacement géographique. Et cela diminuerait d’autant les impressions papier », détaille-t-il [3]. « La consommation d’énergie baisserait dans son ensemble de 31,4%. L’intensité lumineuse des mobiliers varierait en fonction de la météo et de l’heure de la journée. Les mobiliers numériques seraient même totalement éteints entre 1h et 6h du matin. Enfin, ils seraient tous alimentés à 100% en électricité certifiée d’origine renouvelable », précise la Mairie.
« Un panneau publicitaire avec une face numérique consomme 7 fois plus »
L’association Résistance à l’agression publicitaire (RAP) s’est procurée le dossier qui a été envoyé par JCDecaux aux élus parisiens. Les consommations énergétiques du futur parc sont détaillées en fonction du type et du nombre de mobiliers. Il apparait que les dispositifs numériques consomment énormément. « Un panneau avec une face numérique consomme 7 fois plus que le plus énergivore des mobiliers non numériques, et un panneau avec deux faces numériques consomme 13 fois plus », relève l’association [4]. Certes, le futur parc consommerait 30 % de moins que le précédent, mais le poids du mobilier numérique dans la consommation totale reste considérable : les panneaux numériques, qui représentent 15 % du parc, consommeront les deux tiers du total [5]. « Outre la consommation énergétique, rappelons que les écrans sont fabriqués à partir de matériaux rares qui sont extraits dans des conditions sociales et écologiques qui n’ont rien de durable et qui ne sont assurément pas climato-compatibles », ajoute l’association.
Dans le projet de délibération qui va être soumis ce 20 novembre, l’exécutif parisien met également en avant que les écrans numériques permettraient de limiter les déplacements motorisés de l’afficheur. Ce dernier, grâce à la « télégestion » (gestion à distance) n’aurait plus besoin de se déplacer physiquement pour changer les affiches, ce qui limiterait le nombre de véhicules à moteur. Or, les documents qu’a pu consulter l’association RAP montre que l’entretien des mobiliers numériques exige autant, voire plus de contrôles et de nettoyage que les panneaux déroulants [6]. Par ailleurs, le dossier révèle que JCDecaux prévoit de renouveler sa flotte de 251 véhicules pour Paris et 375 véhicules pour l’Île-de-France par des véhicules roulant au GNU (ou GPL) et au diesel [7]...
Les antipub mis en demeure par l’afficheur JCDecaux
La diffusion de ces documents déplait fortement à l’annonceur JCDecaux. Le 13 novembre, l’association Résistance à l’agression publicitaire a reçu une lettre recommandée des avocats de l’entreprise, les accusant de recel de violation de secret industriel, et d’atteinte au secret industriel [8]. L’association est mise en demeure de retirer ses articles du 23 mars et du 9 novembre 2017 sous peine de poursuites judiciaires. « Notre association est dans son rôle de lanceuse d’alerte en publiant ces documents. Les citoyens ont le droit de connaître les véritables conséquences de l’introduction d’écrans publicitaires dans les rues, notamment sur le plan écologique. Il serait dangereux pour la démocratie que la multinationale arrive à étouffer notre voix », a réagi Thomas Bourgenot, de l’association RAP. Pour limiter les risques judiciaires, l’association a cependant consenti au retrait de son site, le dimanche 19 novembre 2017 à midi, du contrat proposé par l’afficheur.
Suite à cette mise en demeure, le groupe écologiste à la ville de Paris, qui avait voté contre le renouvellement du contrat à JCDecaux, a fait part de son soutien à l’association mise en cause. Alors que la ville doit se prononcer sur la révision du règlement local de la publicité, tout indique qu’elle ne s’apprête pas à suivre la voie empruntée par Grenoble. En 2014, la ville de Grenoble a décidé de ne pas reconduire son contrat avec JCDecaux, et n’a pas lancé de nouvel appel d’offre. La ville a fait le choix de nouveaux espaces d’expression permettant d’afficher des informations culturelles et associatives, ou de favoriser l’expression d’opinion citoyenne, politique et syndicale (lire ici).
Sophie Chapelle