Mise à jour, 26 mai : Les résolutions présentées par les militants du climat à l’Assemblée générale d’ExxonMobil ont toutes été rejetées, celle sur le « risque carbone » obtenant tout de même 38% des voix. Le PDG du groupe Rex Tillerson, a notamment déclaré que l’objectif de limiter le réchauffement des températures globales à 2ºC n’avait pas de base scientifique et que le monde continuerait à consommer des énergies fossiles que cela plaise ou non.
Ce 25 mai se tient l’Assemblée générale annuelle d’ExxonMobil, le géant américain du pétrole. Plusieurs résolutions à l’ordre du jour visent à mettre ExxonMobil face à ses responsabilités en matière de climat. Certaines, qui proposent la nomination d’un nouveau membre du conseil d’administration chargé de « représenter » la cause du climat, ou encore de cesser toute opération de fracturation hydraulique, n’ont virtuellement aucune chance d’être adoptée. Une autre résolution, en revanche - plus consensuelle car ne remettant pas en cause le cadre de gouvernance financier qui prévaut désormais dans les entreprises -, appelle ExxonMobil à mettre en place un reporting sur le « risque carbone » que feraient peser à long terme pour les actionnaires ses investissements dans le pétrole et le gaz.
Cette résolution a obtenu le soutien d’un milliers d’investisseurs institutionnels, « dont les sociétés de gestion françaises Amundi, AXA IM, BNP IP, Natixis AM », comme le rappelle Novethic. Même s’ils admettent désormais les « risques du changement climatique », les dirigeants du groupe n’en ont pas moins tenté - en vain - d’empêcher le dépôt de cette résolution en arguant qu’elle n’avait rien à voir avec la gestion de l’entreprise et le rôle de ses actionnaires. Ils s’opposent aujourd’hui à son adoption, mais pourraient se voir désavoués.
Vers un procès du déni climatique ?
Au moins aussi inquiétantes pour ExxonMobil sont les procédures engagées par plusieurs juridictions américaines mettant directement en cause le rôle de l’entreprise dans le déni du changement climatique. Une série de révélations au cours des derniers mois a démontré que les dirigeants d’ExxonMobil étaient informés depuis des décennies des risques liés à la concentration de dioxyde de carbone dans l’atmosphère, mais qu’ils ont tout fait pour les taire. Pire encore : ils ont délibérément entravé toute volonté de régulation dans ce domaine, que ce soit au niveau national ou international.
Pourtant, dès le début des années 1960, Esso, ancêtre d’ExxonMobil avait déposé des brevets pour des moteurs électriques et des systèmes de réduction des émissions de CO2 des véhicules automobiles. Des documents datant des années 1970 montrent qu’Esso et Mobil étaient non seulement conscientes des implications potentielles de l’accumulation de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, mais qu’elles ont lancé des programmes de recherche sur le sujet, pour protéger leur avenir [1] Ces efforts ont été abandonnés au cours des années 1980, car risquant de remettre en cause la source même de la prospérité de l’entreprise : la consommation massive d’énergies fossiles. Ses dirigeants ont alors opté - aux côtés de toute l’industrie pétrolière - pour une stratégie concertée et systématique de déni de la crise climatique et de ses implications.
Obstructionnisme
Ce n’est qu’en 2008 que les dirigeants d’ExxonMobil se sont publiquement distanciés du climato-scepticisme, mais ils continuent, comme beaucoup de leurs pairs, à financer massivement des lobbys et associations professionnels qui entravent toute action ambitieuse en matière de climat (lire notre article Le double discours des grandes entreprises européennes sur le climat). L’ONG InfluenceMap a tenté l’exercice de cartographier l’action obstructive - généralement indirecte - des majors comme ExxonMobil en matière climatique (voir l’illustration ci-dessous). Selon ses calculs, le groupe pétrolier américain dépense directement 27 millions de dollars annuels pour nuire aux velléités de régulation dans ce domaine ; l’ONG lui donne une note globale de E-, sur une échelle allant de A à F [2].
Si la dénégation pure et simple de la crise climatique paraît de moins en moins tenable, même pour Exxon, il y a encore donc du chemin à faire pour transformer cette reconnaissance en action.
Olivier Petitjean
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Photo : Thomas Hawk CC