29.09.2023 • Actus, revue de presse et liens

Un petit monde - Lettre du 29 septembre 2023

Publié le 29 septembre 2023

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Atos ou l’éternel retour

Le projet de revente d’une partie du groupe numérique Atos et ses contrats stratégiques au milliardaire tchèque Daniel Kretinsky, annoncé en catimini au milieu de l’été, est en train de se muer en scandale politico-financier.

Il y a quelques mois, nous avions consacré un article aux origines de la fortune de Daniel Kretinksy, magnat du charbon et du gaz qui a racheté ces dernières années de nombreux médias en France et pris des participations dans des secteurs aussi variés que l’édition, l’énergie et le commerce (Casino, Fnac-Darty).

Mais si la personnalité de Daniel Kretinksy attire l’attention, l’affaire illustre autre chose qu’un nouveau « fleuron français passant sous pavillon étranger ». Si le « fleuron » en question est menacé, c’est surtout du fait de ses dirigeants eux-mêmes, plus intéressés par le prestige et par la finance et ses revenus – comme auparavant ceux d’Alstom, Alcatel et autres – que par la réalité de leur groupe. On retrouve d’ailleurs dans l’opération Atos certains des mêmes acteurs – banquiers d’affaires et consultants - qui avaient présidé à la fusion Veolia-Suez et d’autres opérations du même type, bien éloignées de l’économie réelle.

L’histoire d’Atos est aussi une histoire de portes tournantes public-privé. À commencer par celles empruntées par Thierry Breton lui-même, PDG de France Telecom puis ministre puis PDG d’Atos puis commissaire européen. Le groupe a aussi nommé à son conseil d’administration l’ex Premier ministre Édouard Philippe à son départ de Matignon (jusqu’en juin dernier), et voulait également y recruter l’ex secrétaire d’État au numérique Cédric O – sauf que celui-ci s’est vu opposer le veto de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique. Et si c’était la culture française de connivence public-privé qui était la première responsable – avant même les milliardaires et les investisseurs étrangers qui viennent ensuite cueillir les proies – du triste destin de nos « fleurons » industriels ?

Lire notre article.

On n’est jamais mieux servi que par soi-même (et inversement)

Alors que l’Assemblée nationale s’apprête à examiner le projet de loi de finances 2024, le député François Jolivet, rapporteur du volet logement, n’a pas trouvé mieux que d’embaucher comme assistant David Miodownick, jusqu’alors « responsable des affaires publiques », c’est-à-dire lobbyiste en chef, d’Airbnb. Il avait rejoint la plateforme en janvier dernier, après avoir occupé un poste au cabinet de la Première ministre Elisabeth Borne. Interrogé par Mediapart, David Miodownick évoque un « conflit de valeurs » avec Airbnb. Pour la plateforme, la préservation des très critiquées niches fiscales pour les locations saisonnières est un enjeu majeur.

Sans doute le député espère-t-il que l’expertise de son nouvel assistant lui permettra de mieux contrer les argumentaires de la plateforme et de déjouer ses stratégies d’influence ? C’est surtout une nouvelle illustration de la tendance troublante à embaucher d’anciens lobbyistes – à l’image de Marie-Anne Barbat-Layani propulsée à la tête de l’Autorité des marchés financiers - pour contrôler leurs anciens collègues, sous prétexte qu’ils sont les plus compétents pour ce faire...

L’embauche d’anciens conseillers et hauts fonctionnaires est devenue une habitude pour les GAFAM et les plateformes comme Uber et Airbnb, comme nous l’avions montré dans notre rapport GAFAM Nation. Déjà en 2017, Airbnb avait débauché le conseiller en communication de la ministre Axelle Lemaire, chargée du numérique sous François Hollande.

Voir notre page spéciale Les portes tournantes

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En bref

Stellantis ciblé par les syndicats américains et Joe Biden. Voilà deux semaines, le syndicat américain UAW a lancé une grève historique par son ampleur qui paralyse une partie de l’industrie automobile américaine. Un groupe français est directement concerné : Stellantis (ex PSA), désormais propriétaire de Chrysler. Le patron de l’UAW Shawn Fein s’en est même pris directement aux rachats d’actions du groupe ainsi qu’à la rémunération stratosphérique de son patron Carlos Tavares – deux sujets que nous avons abondamment documenté dans nos analyses sur les superprofits du CAC40. Les grévistes – qui ne bloquent à ce stade que certains sites logistiques et prévoient une montée en puissance progressive du mouvement - réclament notamment des augmentations de salaires. Ils ont reçu le soutien appuyé de Joe Biden, qui s’est rendu sur un piquet de grève. Ford a signé un accord partiel avec le syndicat, au contraire des deux autres géants ciblés, General Motors et Stellantis.

Droit à l’information contre ventes d’armes. Les 39 heures passées en garde à vue par la journaliste Ariane Lavrilleux – autrice d’enquêtes importantes pour le média Disclose sur les ventes d’armes à l’Egypte (entre autres) – et la validation par la justice de la saisie d’une partie de son matériel représentent une nouvelle étape franchie dans la remise en cause de la liberté de la presse, et en l’occurrence de la protection des sources. L’affaire illustre une nouvelle fois l’invocation abusive de « secret défense » pour maintenir l’omertà sur des transactions commerciales avec des régimes autoritaires et répressifs. Il s’agit surtout de supprimer la possibilité même du débat démocratique sur ces questions. Un comble alors que le gouvernement s’apprête à lancer des « états-généraux du droit à l’information ».

Devoir de vigilance : premier procès sur le fond pour La Poste. La première audience sur le fond dans le cadre de la loi sur le devoir de vigilance des multinationales – et non sur des points de procédures comme on l’a trop vu avec notamment les procédures contre Total – s’est tenue le 19 septembre dernier, suite à une plainte du syndicat Sud PTT. Dans le viseur : La Poste, accusée de fermer les yeux sur les conditions de travail chez les sous-traitants qu’elle charge de la livraison des colis, et qui emploient de nombreux sans-papiers. L’occasion de rappeler que la loi sur le devoir de vigilance ne vise pas seulement les abus des multinationales à l’autre bout du monde, mais aussi en France même, et aussi des entreprises publiques. L’un des enjeux du procès, mis en délibéré au 5 décembre prochain, est de savoir si la loi sur le devoir de vigilance pourrait permettre de combler certaines lacunes du droit du travail en France qui permettent à La Poste de se défausser sur ses sous-traitants.

Il pleut encore des milliards. Mi septembre, le gouvernement français a officialisé une nouvelle subvention de plusieurs milliards d’euros au secteur de la voiture électrique, en l’occurrence pour l’usine de batteries du groupe Verkor à Dunkerque. L’argent provient du plan France 2030 (lire notre enquête) et de l’Union européenne. Selon la communication officielle, Verkor est une « startup française ». En réalité, elle est portée par des poids lourds de l’industrie dont Renault, CMA-CGM, Plastic Omnium, Schneider Electric, alliés à l’Etat français et à la région Rhône-Alpes, tous deux actionnaires. L’annonce des nouvelles aides publiques a permis à Verkor de nouveaux financements auprès d’investisseurs institutionnels et de fonds de private equity.

Comment enquêter sur le lobbying ? À la demande générale et suite au succès de la formation que nous avons proposée en juin, nous organisons une nouvelle formation « Comment enquêter sur le lobbying à Bruxelles et à Paris ? » les 13 et 14 novembre à Paris. Renseignements et inscription ici.

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