La justice vient de condamner deux filiales de Vinci et Bouygues, les sociétés Cosea et DTP, à des amendes pour des infractions environnementales à répétition sur le chantier de la ligne à grande vitesse Tours-Bordeaux. Celle-ci, sous le nom de Ligne Europe Sud Atlantique, doit être inaugurée en juillet prochain. Ce sera la première ligne à grande vitesse déléguée au secteur privé en France, pour un budget de près de 8 milliards d’euros.
Un article de Mediapart revient en détail sur certains des faits reprochés à Bouygues et Vinci, en contradiction totale avec les engagements qu’elles avaient pris au moment de la slignature des contrats :
En Indre-et-Loire, les sociétés Cosea et DTP ont été condamnées à des amendes d’une lourdeur inhabituelle : plus de 110 000 euros pour la filiale de Vinci construction (en additionnant ses condamnations au pénal et au civil) et 60 000 euros pour la filiale de Bouygues. Elles sont sanctionnées pour de multiples infractions aux arrêtés préfectoraux autorisant les travaux. Le 15 octobre 2013, un inspecteur de l’environnement constate sur le chantier du viaduc de la Manse que des bassins d’assainissement obligatoires n’ont pas été réalisés et qu’un autre est sous-dimensionné. Résultat : des boues chargées de matières en suspension se déversent dans le cours d’eau. Huit jours plus tard, à l’aval du point de rejet, le fond du lit de la rivière est entièrement colmaté par des matériaux sableux. Le milieu est pollué. Le 30 janvier 2015, une nouvelle inspection révèle que les fossés de collecte des eaux de ruissellement ne sont toujours pas aux normes et que des eaux chargées continuent de polluer la Manse.
Autre exemple : le 26 mars 2014, l’employé d’un chantier interrompt le pompage en cours d’une zone humide à l’approche de l’inspecteur qui constate, quelques jours plus tard, le rejet des eaux de fouille, sales, sans passage par le bassin d’assainissement, pourtant obligatoire. Par ailleurs, les barrières de mise en défense destinées à empêcher les amphibiens d’accéder à la zone de chantier, pour que les engins ne les écrasent pas, sont « totalement inefficaces ». Et un amoncellement d’encombres et de débris végétaux empêche la circulation des poissons dans le cours d’eau. Au fil des semaines, l’inspecteur de l’environnement multiplie les visites des chantiers de la ligne ferroviaire et découvre régulièrement de nouveaux écarts. Le 21 mai 2014, un bassin destiné à recueillir les eaux de ruissellement est hors d’usage, si bien que des rejets pollués s’écoulent dans le cours d’eau. En août, trois mois plus tard, des rebuts du chantier continuent de se déverser dans le milieu naturel « à chaque pluie ». Pour la justice, « le caractère réitéré de la méconnaissance des prescriptions réglementaires, à quelques semaines d’intervalle, témoigne de la part des prévenus d’une absence de prise en compte réelle des enjeux environnementaux qu’implique la réalisation d’un tel chantier ».
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Multi-récidivisme
Selon la fédération France Nature Environnement, les faits reprochés à Bouygues et Vinci sur la ligne Tours-Bordeaux n’ont rien d’isolé. Elles relèvent de pratiques routinières sur les chantiers liés aux grands projets d’infrastructures en France. Par exemple ? « Arcos, société de Vinci et concessionnaire du futur contournement Ouest de Strasbourg, a commencé le 30 septembre 2016 les travaux de forage sans attendre l’autorisation de Ségolène Royal. » Ou encore « la société OC’VIA, dont Bouygues Construction et Alstom sont actionnaires, chargée de la conception, de la construction et du fonctionnement du ’contournement ferroviaire Nîmes-Montpellier’ (CNM) a lourdement impacté 17 hectares d’habitats de l’Outarde canepetière, oiseau menacé d’extinction ».
Les amendes restent toutefois dérisoires : quelques dizaines de milliers d’euros pour la ligne Tours-Bordeaux, 7000 euros seulement pour OC’VIA ! Bref, pour ces géants du BTP, « il est plus rentable d’être en infraction que de respecter la loi », d’autant plus que ce sont des filiales au nom inconnu du grand public qui sont condamnées, tandis que les sociétés mères Vinci et Bouygues peuvent continuer à communiquer imperturbablement sur leurs engagements « verts » auprès du grand public.
La fédération environnementaliste annonce donc son intention de poursuivre directement les géants du BTP devant le tribunal de grande instance de Nanterre pour dénoncer leur « greenwashing ». Des poursuites qui pourraient rappeler celles engagées contre Auchan et Samsung ces derniers mois pour leur communication « éthique », en contradiction totale avec la réalité de leurs pratiques. Pour que la délinquance environnementale ne puisse plus se cacher derrière des beaux discours verts.
Olivier Petitjean
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Photo : JLPC / Wikimedia Commons / CC BY-SA 3.0