Extrême-droite

Hachette/Vivendi : le secteur de l’édition gagné par la « guerre culturelle » conservatrice

Publié le 4 décembre 2024 , par Anne-Sophie Simpere, Olivier Petitjean

Opportunisme ? Le 7 novembre 2024, deux jours après la réélection de Donald Trump à la présidence des États-Unis, Hachette Book Group, branche américaine du groupe Hachette, a annoncé le lancement de deux nouvelles maisons d’édition au sein de sa filiale Basic Books, Basic Venture et Basic Liberty. La première sera dédiée à l’économie, tandis que la seconde aura pour vocation de « publier des travaux sérieux d’analyse culturelle, sociale et politique, par des auteurs conservateurs » [1].

La personnalité choisie pour diriger Basic Liberty attire l’attention. Thomas Spence était auparavant éditeur chez Regnery, maison d’édition ultraconservatrice dont le catalogue est rempli de titres promouvant le climato-scepticisme, la guerre de civilisations et le masculinisme. Le livre Reason, Faith, and the Struggle for Western Civilization (« Raison, foi et la liutte pour la civilisation occidentale ») faisait partie des recommandations de lecture du Premier ministre hongrois Viktor Orbán cet été. Cet ouvrage de Samuel Gregg décrit une civilisation occidentale soumise à la double menace de l’islamisme radical et du « sécularisme agressif ». Beaucoup de titres au catalogue affichent clairement la couleur : « Dommage irréversible : la folie transgenre qui séduit nos filles », « Chrétienté et wokisme », « Extrémiste domestique : un guide pratique pour gagner la guerre culturelle », « Virilité : les vertus masculines dont l’Amérique a besoin », « Guide politiquement incorrect du changement climatique », « Escroquerie verte »...

Machine de guerre

Thomas Spence est aussi depuis mars 2024 un conseiller de la Heritage Foundation, le partenaire historique du réseau Atlas qui a élaboré le Project 2025 (lire « Project 2025 », ou comment la droite américaine imagine une seconde présidence Trump). Il y sera chargé, entre autres, de proposer des livres et de participer aux programmes de formation.

Le lancement de Basic Liberty a provoqué une vague de protestation au sein du groupe Hachette aux États-Unis et en Grande-Bretagne, ainsi que la démission d’au moins un employé [2].

Hachette n’est pas la seule grande maison d’édition américaine à exploiter le filon de la littérature ultraconservatrice à travers des collections ou des filiales dédiées. L’affaire prend toutefois un relief particulier puisque le groupe est désormais entre les mains de Vivendi, c’est-à-dire de Vincent Bolloré. Il l’a acheté à Lagardère en 2023, en se délestant pour ce faire des maisons d’édition qu’il détenait via sa filiale Editis.

Comme il l’a fait dans le domaine des médias, le milliardaire a rapidement mis une partie de ses nouvelles acquisitions au service de son projet politique, en installant des dirigeants à sa solde. Fayard, l’une des maisons phares de Hachette en France, a publié le livre de Jordan Bardella (et ceux d’autres figures de la galaxie Bolloré comme Sonia Mabrouk) à grand renfort de comm’ et leur promotion dans les librairies Relay, qui appartiennent aussi à Hachette. Ce n’est peut-être que la première étape d’une stratégie de guerre culturelle de plus long terme si, sur ce point comme d’autres, l’extrême-droite françaiss continue de s’inspirer des recettes qui ont souri jusqu’ici à l’extrême-droite américaine.

Anne-Sophie Simpere et Olivier Petitjean

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Photo : Actualitté

Article publié par Olivier Petitjean , Anne-Sophie Simpere

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