Le 14 juin 2017, un incendie ravageait la tour Grenfell, un immeuble d’habitation à Londres, faisant 72 victimes. Les enquêteurs ont rapidement mis en cause la mauvaise qualité des travaux de rénovation effectués récemment sur la tour, et l’inadaptation des matériaux utilisés. Comme nous l’avions souligné alors, la recherche constante du moindre coût et la multiplication des prestataires et des sous-traitants sont également en cause dans l’enchaînement de manquements qui ont mené à la catastrophe (lire notre article : Incendie de la tour Grenfell à Londres : dérégulation, sous-traitance multiple et dilution des responsabilités).
Un documentaire d’investigation diffusé le 21 mai 2018 par la BBC vient toutefois mettre en cause la responsabilité directe d’une entreprise en particulier : Celotex, filiale de Saint-Gobain depuis qu’elle a été rachetée par le groupe français en 2012.
C’est cette firme qui a fourni une partie des matériaux d’isolation installés sur la tour en 2015-2016 et qui ont favorisé la propagation de l’incendie. Selon les journalistes britanniques, Celotex aurait ajouté des retardants de flamme à son produit, un isolant de mousse plastique, pour lui faire passer les tests de sûreté, mais l’aurait vendu dans une version plus inflammable. Cet isolant émet des vapeurs toxiques lorsqu’il brûle, et ce sont ces vapeurs qui auraient, selon la BBC, causé la mort de la plupart des 72 victimes.
L’enquête révèle également que le produit n’était déclaré sûr que lorsque combiné avec des éléments d’isolation supplémentaires, précisément en raison de son caractère inflammable. Ces prescriptions n’ont pas été respectées à la tour Grenfell, ni sans doute dans les centaines de bâtiments au Royaume-Uni où ce matériel a été utilisé. Selon la BBC, Celotex aurait même sciemment vendu son produit tout en ayant connaissance de ces risques. Ce qui pourrait engager sa responsabilité pénale. L’affaire pourrait prendre des proportions énormes pour Saint-Gobain.
Celotex n’a pas apporté de démenti formel à ces allégations, déclarant s’en remettre à l’enquête en cours et collaborer pleinement avec la justice.
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Photo : Kevin Hackert CC via flickr