Pour la documentariste Marie-Monique Robin, auteure de plusieurs films et ouvrages sur Monsanto, cette condamnation est réellement « historique ». « C’est la première fois qu’un agriculteur fait condamner Monsanto », souligne t-elle.
Pour rappel, l’intoxication remonte à 2004 (lire le portrait de Paul François par Basta !). Quatre ans plus tard, l’agriculteur obtient la reconnaissance de ses troubles persistants (bégaiement, vertiges, maux de tête, troubles musculaires) comme maladie professionnelle. Il lance ensuite une procédure en responsabilité civile contre Monsanto reconnu « responsable », en première instance, en 2012. Mais la firme fait appel et s’ensuivent trois années de procédure.
Possible pourvoi en cassation de Monsanto
« La reconnaissance de la responsabilité de Monsanto dans cette affaire est essentielle, a réagi Maria Pelletier, présidente de l’association Générations Futures, à la sortie de la Cour d’appel. Les firmes qui mettent sur le marché ces produits doivent comprendre que dorénavant elles ne pourront plus se défausser de leurs responsabilités vis-à-vis des pouvoirs publics ou l’utilisateur et que des comptes leurs seront demandés. »
« La décision est très surprenante eu égard aux inexactitudes et aux erreurs qui émaillent la thèse de Paul François. Mais ça n’est qu’une étape et la discussion va se poursuivre, le combat va se poursuivre », a de son côté déclaré l’avocat de Monsanto, Jean-Daniel Bretzner, laissant entendre que le géant américain des semences et de l’agrochimie formera « vraisemblablement » un pourvoi en cassation.
Encourager les victimes des pesticides à saisir la justice
Paul François assure d’ores et déjà vouloir continuer le combat mené par l’association Phyto-Victimes qui accompagne les professionnels victimes des pesticides dans leurs démarches administratives et juridiques. Plusieurs procédures sont notamment en cours d’instruction par la Commission d’indemnisation des victimes d’infractions, indique l’association. « La MSA (Mutualité sociale agricole) devra tirer les conséquences de cette décision pour une meilleure prévention ainsi qu’une prise en charge comme il se doit vis-à-vis des utilisateurs touchés par l’utilisation des produits phyto-sanitaires », précise Phyto-Victimes.
Un autre jugement pourrait faire jurisprudence. En avril dernier, la famille de James Bernard Murat, un viticulteur décédé d’une maladie causée par les pesticides, a décidé de porter plainte contre X pour « homicide involontaire, omission de porter secours, abstention délictueuse et délit de tromperie » [1]. Trois mois plus tard, le Procureur a décidé de donner suite à la plainte en ordonnant l’ouverture d’une enquête préliminaire. À travers cette affaire contre Monsanto, Paul François espère bien faire profiter de son expérience et aider des professionnels qui n’oseraient pas parler de leurs problèmes de santé à saisir la justice.
Sophie Chapelle
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Photo : OccupyReno cc by-nd