Un article publié cet été par l’association Survie, dédiée à la lutte contre « toutes les formes d’intervention néocoloniale française en Afrique », revient sur l’histoire de cette entreprise, (propriétaire notamment de la marque La Baleine) et sur les débats qu’elle suscite aujourd’hui en Tunisie :
L’article 11 de la convention coloniale de 1949 parle d’un « paiement à titre de droits récognitifs d’une redevance d’occupation du domaine public fixé à 1 franc par hectare et par an pour la totalité des superficies du domaine public concédées. » Ainsi, pour quelques milliers d’euros symboliques, COTUSAL [filiale du groupe Salins du midi] a bénéficié scandaleusement, depuis plus d’un demi-siècle, d’un quasi-monopole sur le sel tunisien. Après l’ouverture à la concurrence en 1994, elle bénéficie toujours de plus de 70% de la ressource, et n’a que 6 concurrents mineurs. La production s’élève à environ un million de tonnes chaque année. La compagnie est tenue de fournir le marché intérieur à hauteur de 125 000 tonnes. Le reste de la production (près de 80%) est destiné à l’export. (...) Si l’État tunisien ne signifie pas à COTUSAL avant octobre 2019 qu’il compte mettre un terme à la convention de 1949, l’entreprise aura légale ment le droit d’exploiter les salines 30 ans de plus, soit jusqu’en 2059.
En 2014, suite à l’adoption de la nouvelle Constitution par l’Assemblée nationale constituante, le Premier ministre Mehdi Jomaa, au moment de son investiture, et sous la pression de certains députés, s’engage à renégocier les contrats qui concernent les ressources naturelles. L’article 13 de la Constitution prévoit désormais que « les ressources naturelles sont la propriété du peuple tunisien » et que « les conventions ratifiées au sujet de ces ressources sont soumises à l’Assemblée pour approbation ». Le cas du sel est débattu, et suscite la colère au sein du nouveau parlement. Mais le gouvernement Jomaa, et les deux autres qui suivent, ne disent plus rien par la suite. (...) COTUSAL a bien compris le risque : la nationalisation que permet d’envisager la nouvelle Constitution. Ainsi, les responsables de l’entreprise ont trouvé une ligne de défense de choc : selon eux, le sel n’est pas une ressource naturelle. C’est ce que sous-entend de façon ambivalente leur dernier communiqué (16/03) : « On affirme que la COTUSAL exploite, dans le cadre de la Convention de 1949, les ressources naturelles du sous-sol tunisien alors que cette entreprise ne produit jusqu’à ce jour que du sel marin à partir de l’eau de mer qui est considérée comme une ressource inépuisable » (...)
Le fisc tunisien perd chaque année plusieurs millions de dinars grâce à la convention de COTUSAL de 1949. Mais est-ce qu’il ne perd pas beaucoup plus ? Le sel tunisien exporté, plus des deux-tiers de la production, n’est pas transformé par COTUSAL. Les plus grands volumes sont utilisés comme sel de déneigement, ou bien pour la chimie. C’est une matière brute, sans valeur ajoutée. La tonne de sel de déneigement s’exporte pour quelques euros depuis les ports tunisiens, et elle est revendue en Europe jusqu’à 300 euros dans les circuits de grande distribution type Gamm Vert ou Leroy Merlin. De plus, Salins du midi commence à utiliser également le sel tunisien comme sel de table. Pour minimiser les coûts de production, du sel COTUSAL est conditionné en Italie, et revendu en supermarchés, dans le monde entier, dans les boîtes « La Baleine ». La main-d’œuvre tunisienne, avec des salaires qui se situent autour de 300 euros, est une aubaine pour les profits de Salins du midi.
Lire l’intégralité de l’article sur le site de Survie.
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Photo : Daniel Perries CC via flickr