Les rescrits fiscaux ou tax rulings sont des accords secrets passés entre États et multinationales fixant à l’avance les conditions fiscales, souvent extrêmement favorables, dont bénéficieront ces entreprises. L’affaire dite des « Luxleaks » - la révélation en novembre 2014 de la teneur de dizaines de rescrits fiscaux accordés par le Luxembourg à des multinationales comme Apple, Amazon, Heinz, Pepsi, Ikea ou encore Deutsche Bank - avait été l’occasion de mettre en lumière cette pratique et les abus auxquels elle donne lieu.
Les enquêtes de la Commission européenne sur Fiat et Starbucks - ainsi qu’une autre enquête parallèle sur les rescrits fiscaux d’Apple en Irlande, dont on attend prochainement la conclusion - avaient été initiées avant même ce scandale. Parallèlement, le Parlement européen a lancé une commission d’enquête sur Luxleaks (lire notre article), qui devrait rendre ses propres conclusions dans quelques semaines.
Certains regretteront que ces premières sanctions européennes contre les pratiques d’optimisation fiscale agressive des multinationales se fassent sur la base du droit de la libre concurrence - en considérant les rescrits fiscaux comme des aides d’État déguisées - plutôt que sur la base d’une vraie politique de transparence et de justice fiscale.
« Que la Commission européenne s’accorde sur le fait que la concurrence fiscale entre pays est dommageable, c’est déjà un pas en avant. Cela prouve qu’il y a une volonté d’agir », juge Manon Aubry, qui suit les questions de justice fiscale pour Oxfam France. « Maintenant, il faut aller plus loin : il y a beaucoup de propositions sur la table au niveau européen, notamment celle du ’reporting pays par pays’ qui permettrait de savoir exactement où toutes ces entreprises localisent leurs bénéfices. C’est là que nous attendons la Commission au tournant. »
On verra si Pierre Moscovici, commissaire européen en charge de ce dossier, se montrera aussi actif et déterminé face aux multinationales que sa collègue danoise Margrethe Vestager, en charge de la concurrence.
Olivier Petitjean
—
Photo : Parlement européen cc by-nc-nd
Soutenez l’Observatoire
Parce que le débat démocratique mérite mieux que la com’ du CAC 40.
Faites un don