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07.11.2014 • Droits de l’homme

La Saur défend les coupures d’eau au nom de la « liberté d’entreprendre »

Lorsque trois banques deviennent les propriétaires de la troisième entreprise de fourniture d’eau en France, l’esprit de service public en pâtit. Et le droit à l’eau doit apparemment céder devant la logique commerciale. Les coupures d’eau pour impayés sont désormais totalement illégales en France, et les associations se mobilisent pour obliger les entreprises privées du secteur à respecter la loi. Poursuivie à son tour en justice, la Saur riposte en invoquant elle aussi les droits de l’homme... en l’occurrence le droit de propriété et la liberté d’entreprendre !

Publié le 7 novembre 2014 , par Olivier Petitjean

Depuis l’adoption de la loi Brottes l’année dernière, les coupures d’eau pour factures impayées sont totalement interdites en France. Cette disposition était restée peu connue et peu appliquée jusqu’à ce que deux associations - France Libertés et la Coordination Eau Ile-de-France - se saisissent de la question, y compris en intentant des procédures judiciaires pour forcer les fournisseurs à respecter la loi (lire notre enquête : Coupures d’eau : les multinationales ignorent-elles la loi ?).

La Saur - anciennement propriété de Bouygues, et désormais gérée par un consortium bancaire regroupant BNP Paribas, Natixis et RBS - est la troisième entreprise visée après Suez et Veolia (qui représente la majorité des cas identifiés par les associations). Suez avait été condamnée, et Veolia reconnu l’illégalité de ses coupures d’eau.

La Saur a apparemment choisi une posture plus combative que n’ont osé le faire ses concurrentes, en n’hésitant pas à opposer de manière frontale les exigences de l’accès aux droits humains fondamentaux et celles de la liberté commerciale. Pour l’entreprise, les dispositions de la loi Brottes seraient contraires à la Constitution et même aux droits de l’homme, parce qu’elles portent atteinte au sacrosaint droit de propriété...

France Libertés, aux côtés d’Arnaud privé d’eau depuis 18 mois, a assigné la Saur devant le Tribunal de Grande Instance d’Amiens pour coupure d’eau illégale. Lors de l’audience du 5 novembre, le numéro 3 français des entreprises privées de l’eau a nié l’illégalité des coupures d’eau.

À en croire la défense de la Saur, le droit à l’eau pour tous n’existe pas et serait même inconstitutionnel, comme en témoigne la Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC) qu’elle a déposé, dont voici un extrait : « La liberté d’entreprendre et la liberté contractuelle sont deux libertés que la constitution garantit dès lors qu’elles découlent toutes les deux de l’article 4 de la déclaration des droits de l’Homme de 1789 qui dispose que « la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui. » [...]

La Saur démontre ainsi qu’elle est à l’image d’une société du tout économique qui oublie l’essentiel que sont les droits fondamentaux à la vie.

Lire l’intégralité du communiqué de presse de France Libertés et de la Coordination Eau Ile-de-France.

Le jugement est attendu pour le 28 novembre.

Olivier Petitjean

— 
Photo : Bénédicte Jourdier cc

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