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06.12.2022 • Actus, revue de presse et liens

La toile du CAC40. La lettre du 6 décembre 2022

Publié le 6 décembre 2022

Bienvenue dans la lettre d’information de l’Observatoire des multinationales.

Cette semaine, nous vous proposons de plonger dans les conseils d’administration du CAC40. L’entre-soi qui continue à y régner explique l’extraordinaire degré de cohésion et de solidarité nos « champions » sur tous les sujets qui fâchent : dividendes, rémunérations patronales, fiscalité, délocalisations ou encore climat.

Également au menu : du devoir de vigilance, du Bolloré, du greenwashing et de la biodiversité.

N’hésitez pas à faire circuler cette lettre, à nous envoyer des réactions, commentaires et informations. Pour rappel, nous sommes en pleine campagne d’appel à dons. Objectif : 25 000 € récoltés.

Merci à tous ceux et celles qui peuvent nous soutenir (ou qui l’ont déjà fait).

Bonne lecture

Entre-soi

Le CAC40 se distingue par sa remarquable cohésion en ce qui concerne ses grandes orientations stratégiques : la même prédilection pour la rémunération des actionnaires, les mêmes complaisances en termes de rémunérations patronales, les mêmes discours ressassés sur la charge fiscale excessive dont ils souffriraient en France, le même choix assumé d’aller « chercher la croissance là où elle est », autrement dit de délocaliser et d’investir à l’étranger plutôt que dans l’Hexagone.

Un tel degré de cohérence et de solidarité n’a rien de naturel. Certaines organisations patronales, notamment l’AFEP – Association française des entreprises privées, le lobby du CAC40 – ont précisément pour fonction de construire et d’entretenir ce consensus sur tous les sujets importants.

Dans le cadre de l’édition 2022 de CAC40 : le véritable bilan annuel, nous nous sommes penchés sur une autre explication : la composition des conseils d’administration du CAC40. Cette analyse – portant sur un échantillon total de 563 personnes (en incluant ceux et celles qui ont intégré les conseils d’administration du CAC en 2022), 256 femmes et 307 hommes - met en lumière la densité du réseau de liens croisés entre dirigeants et administrateurs du CAC40.

À quelques exceptions près (les nouveaux venus Teleperformance et Eurofins), la plupart des groupes du CAC40 ont de nombreuses connexions avec les autres groupes de l’indice à travers leurs administrateurs et dirigeants. Le nombre de liens croisés atteint 19 pour Danone, et 18 pour TotalEnergies et Orange.

La plupart des PDG du CAC40 siègent au conseil d’administration d’au moins un autre groupe de l’indice. Patrick Pouyanné, celui de TotalEnergies, est par exemple administrateur de Capgemini, tandis que Carlos Tavares, le patron de PSA puis de Stellantis, est d’administrateur d’Airbus et de Dassault Aviation (hors CAC40 mais lié à Dassault Systèmes). Jusqu’il y a peu, il était aussi au conseil d’administration de TotalEnergies.

Il y a également beaucoup de multi-administrateurs ou multi-administratrices qui font passerelle entre les conseils de plusieurs groupes du CAC40. Cécile Cabanis, par exemple, ancienne cadre dirigeante de Danone désormais chez le fonds de private equity à la française Tikehau, siège toujours au conseil d’administration du groupe agroalimentaire, mais aussi à celui du groupe de matériel électrique Schneider Electric et du gestionnaire de centres commerciaux et de bureaux Unibail. Clara Gaymard, patronne de General Electric France au moment du rachat de la branche énergie d’Alstom, est administratrice à la fois de Bouygues, Danone, LVMH et Veolia.

Ces liens contribuent à la cohésion du CAC40, notamment en ce qui concerne les grandes orientations décidées en conseil d’administration, comme le niveau de versement de dividendes ou de rémunération patronale. Si les comités chargés de fixer les rémunérations patronales sont composés de patrons ou de cadres dirigeants d’autres entreprises du CAC, qui ont exactement le même intérêt à voir ces rémunérations augmenter, comment s’étonner que l’on atteigne chaque année de nouveaux records dans ce domaine, sans que les critiques qui viennent de l’extérieur de cet entre-soi n’aient une influence sur les décisions prises ?

Lire notre article complet : La toile du CAC40

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Médias : propriété des milliardaires mais pas que

Le thème de la concentration des médias est au centre de l’actualité en France. De fait, une large proportion de la presse écrite, de la radio et de la télévision sont aujourd’hui la propriété d’une poignée de grands groupes, souvent eux-mêmes dirigés par des milliardaires : Vincent Bolloré et Vivendi pour le groupe Canal+, Bernard Arnault pour Les Échos et Le Parisien, les Bouygues pour TF1, les Dassault pour Le Figaro, etc. La manière dont Vincent Bolloré, dans le cadre des élections de 2022, a mis ses médias au service de la candidature d’extrême-droite d’Éric Zemmour, est une bonne illustration des conséquences délétères de cette concentration. La France présente en outre cette spécificité par rapport à d’autres pays que les médias y sont non seulement concentrés, mais aussi entre les mains de groupes issus de secteurs d’activité complètement différents : le luxe pour Bernard Arnault, l’armement pour les Dassault, le BTP pour Bouygues...

La propriété directe n’est toutefois que l’une des manières dont les grands intérêts économiques pèsent sur les médias et, à travers eux, sur le débat démocratique.

Les dépenses publicitaires sont une autre source importante d’influence, dans la mesure où la plupart des médias grand public sont dépendants de ces revenus pour leur survie. L’activité publicitaire figure en bonne place dans le CAC40, à travers les deux leaders français Publicis et Vivendi (via sa filiale Havas). Les groupes du luxe, de l’automobile ou encore de la grande distribution figurent, en tant qu’annonceurs, parmi les principaux financeurs des médias français – y compris publics. Certains groupes n’hésitent pas à user de cette arme à titre de représailles contre des médias qui leur auraient déplu : ainsi, en 2021, TotalEnergies a arrêté d’acheter des espaces publicitaires dans Le Monde après la publication d’une enquête sur les pratiques du groupe pétrolier au Myanmar.

Là encore, ces liens économiques sont complétés par des relations personnelles au niveau des dirigeants. Notre analyse de la composition des conseils d’administration permet d’en prendre la mesure. De nombreux administrateurs du CAC40 siègent en même temps dans les instances de gouvernance de groupes médiatiques – privés aussi bien que publics – en France et à l’étranger. Par exemple, une dirigeante de LVMH (et administratrice d’Unibail), Aline Sylla-Walbaum, vient de prendre la présidence du conseil de surveillance du groupe Le Monde (Le MondeTéléramaLa VieCourrier InternationalLe Monde diplomatique). Thomas Buberl, patron d’Axa, siège au conseil d’administration de Bertelsmann, le propriétaire de M6. Cécile Cabanis, déjà citée et décidément omniprésente, est également au conseil de surveillance de la société éditrice du Monde, ainsi qu’au conseil d’administration de France Médias Monde (RFI, France24). Delphine Arnault, fille de Bernard, en plus de siéger au conseil des Echos, titre appartenant au groupe familiale LVMH, est également administratrice de M6 et de Havas.

Bref, il y a encore du boulot pour ceux qui comme nous essaient de produire et diffuser dans les médias une information indépendante et un peu plus critique sur les grandes entreprises.

En Bref

Responsabilité des multinationales : la France exonère la finance. Après la loi sur le devoir des vigilance adoptée en France en 2017, l’Union européenne a décidé de se pencher à son tour sur la question, à travers un projet de directive sur la responsabilité des multinationales. Comme on peut s’en douter, le texte fait l’objet d’une féroce bataille de lobbying, pour laquelle les industriels ont trouvé un allié de poids dans... le gouvernement français. Celui-ci a fait pression avec succès au niveau du Conseil de l’UE pour réduire le champ d’application du texte, en vue d’exclure tout ce qui concerne l’utilisation des produits vendus par les entreprises – clairement dans l’optique de protéger l’industrie de l’armement et de la surveillance. La France a également obtenu un allégement considérable des obligations pesant sur le secteur financier. Voir le communiqué de presse des associations mobilisées, ainsi que cet article de Mediapart (pour les abonnés).

Greenwashing financier. Vous aurez peut-être du mal à le croire, mais la « finance verte » telle que la conçoivent BlackRock, BNP Paribas et consorts n’est en réalité pas si verte que ça. C’est ce qu’a montré un consortium international de journalistes sous l’égide de Follow the Money (incluant Le Monde en France) qui s’est penché sur 838 fonds présentés comme « super-verts ». L’enquête a montré qu’une grande partie de ces fonds incluent des investissements dans des entreprises très polluantes dans le secteur du charbon, du pétrole et du gaz (dont TotalEnergies, présente dans des fonds « verts » de BNP Paribas et Amundi) ou encore dans celui du transport aérien. Il n’existe pas actuellement de critères ni de contrôles stricts permettant de discriminer entre les fonds véritablement durables et ceux qui relèvent du « greenwashing ».

Une (autre) COP sous influence. Il y a quelques semaines, la COP27 sur le climat en Égypte a accueilli un nombre record de lobbyistes pour les énergies fossiles : plus de 600, davantage que n’importe quelle délégation gouvernementale sauf celle des Emirats arabes unis (qui accueilleront la COP28). Cette semaine se tient à Montréal une autre COP, la COP15 dans le cadre de la Convention des Nations unies sur la biodiversité. Et là aussi les grandes entreprises sont omniprésentes afin de peser sur les négociations, comment le montre un rapport des Amis de la Terre international. L’enquête met en lumière les multiples manières dont les multinationales, notamment celles du secteur des pesticides et des biotechnologies, réussissent à s’immiscer dans les négociations intergouvernementales pour éviter des réglementations trop contraignantes et promouvoir leurs « solutions » - en bénéficiant souvent de la complaisance de la machine onusienne et des grandes ONG environnementalistes.

L’institut Montaigne bollorisé. Fondé et dirigé par les patrons successifs d’Axa, l’institut Montaigne est l’un des plus influents think tanks de la place de Paris, gardien de l’orthodoxie néolibérale. Une enquête de Libération suggère que ce porte-voix du CAC40 est en train de subir lui aussi l’influence croissante de Vincent Bolloré et de ses amis. La nouvelle directrice de l’institut en remplacement de Laurent Birgogne (en procès pour avoir drogué une collaboratrice), Marie-Pierre de Baillencourt, ancienne de McKinsey et de Naval Group, est l’épouse du directeur financier du Groupe Bolloré et neveu de Vincent. Le milliardaire d’extrême-droite est lui-même l’un des principaux financeurs de l’institut. Coïncidence troublante : le think tank serait en train de censurer un rapport jugé trop favorable à l’immigration et qui relativiserait la notion souvent invoquée à droite de « communautarisme ».

Les enquêtes de l’Observatoire

  • Modèle de développement

    Du Limousin à la Guyane, la France en relance minière

    La France souhaite relancer une industrie minière sur son territoire. Quels sont les risques écologiques, alors que l’héritage des pollutions passées n’est pas soldé ? Et pour le bénéfice de qui ?

  • Contre-rapport annuel

    Le véritable bilan annuel des grandes entreprises françaises- édition 2018

    Au-delà de la comm’ et du jargon financier, que font réellement les grandes entreprises françaises en termes de partage des richesses, de climat, de droits des travailleurs, de lobbying ou de santé ?

  • AG 2023 du CAC40

    Sous le signe des superprofits

    Les derniers chiffres du CAC40 confirment une tendance de long terme à l’accaparement des richesses par les actionnaires et les dirigeants au détriment de l’emploi en France.

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