Tout est bon pour les affaires. L’entreprise franco-suisse de ciment LafargeHolcim vient tout juste, ce jeudi 2 mars, de reconnaître avoir financé des groupes armés en Syrie entre 2012 et 2014 pour maintenir en activité une usine dans un pays en pleine guerre. Six mois après les premières révélations du Monde sur les pratiques douteuses des dirigeants de Lafarge dans cette affaire (lire notre article), l’entreprise a concédé que « les mesures prises pour poursuivre l’activité de son usine étaient inacceptables » et que la filiale locale de Lafarge avait « remis des fonds à des tierces parties afin de trouver des arrangements avec un certain nombre de ces groupes armés, dont des tiers visés par des sanctions ».
Selon Le Monde, ces arrangements ont profité à l’organisation État islamique (ce que ne concède pas explicitement la direction de LafargeHolcim). Le ministère de l’Économie et l’ONG Sherpa ont saisi la justice contre Lafarge, le premier pour violations des sanctions européennes contre le régime de Bachar el-Assad, la seconde pour financement présumé du terrorisme.
En conséquence de ces « erreurs », l’entreprise a décidé de mettre en place un nouveau comité interne d’éthique, d’intégrité et d’évaluation du risque. Celui-ci risque de devoir plancher très rapidement sur un nouveau marché potentiel de LafargeHolcim : celui du mur anti-migrants que Trump veut faire construire à la frontière des États-Unis avec le Mexique. Selon les informations d’un journal suisse, Le Tages-Anzeiger, le fabriquant franco-suisse de ciment serait en effet parmi les entreprises candidates à cet immense marché public : l’érection d’un mur de plus de 3000 kilomètres, sur lequel viendront s’échouer les migrants les plus pauvres d’Amérique latine.
LafargeHolcim a candidaté, via sa filiale Lafarge North America, pour participer à la construction d’un prototype du mur, suite à un appel à intérêts émis le 24 février par le Département américain de la sécurité intérieure. Plus de 220 entreprises auraient répondu. Contactée par le Tages-Anzeiger, la direction de LafargeHolcim n’a pas nié le fait, en précisant qu’il ne s’agit qu’une démarche de routine et que si la firme obtenait finalement le marché, elle ne construirait pas le mur elle-même, mais ne ferait que fournir le ciment au constructeur...
Le PDG d’une autre firme suisse de matériaux de construction, Sika, a créé la polémique dans le pays en affirmant que lui aussi voyait une opportunité commerciale prometteuse dans la construction de ce mur.
Rachel Knaebel
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Photo : qbac07 CC