Bienvenue dans la lettre d’information de l’Observatoire des multinationales.
À la une cette semaine : le vrai bilan du CAC40, la COP27 et la Coupe du monde de football au Qatar, mais aussi Carrefour, le secret des affaires et l’Amazonie.
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Bonne lecture
De quoi le CAC40 est-il le nom ?
Fallait-il en rajouter ? Le CAC40 n’a-t-il pas suffisamment mauvaise presse comme ça ?
Le 8 novembre dernier, nous avons publié l’édition 2022 de CAC40 : le véritable bilan annuel. Une radiographie complète, chiffres à l’appui, des grandes entreprises françaises.
Nous y rappelons les records de profits, de dividendes et rachats d’actions, et de rémunérations patronales que nos chers champions nationaux ont battu cette année, sur fond de crise ukrainienne et d’inflation. Nous y détaillons aussi leur bilan bien moins reluisant en matière d’emploi, de salaires ou encore d’écologie (davantage sur ce dernier point ci-dessous).
Cette édition de CAC40 : le véritable bilan annuel est aussi une réflexion sur les liens de plus en plus distendus, conflictuels et problématiques entre les entreprises du CAC40 et « la France ». De qui et de quoi exactement le CAC40 est-il le symbole et l’incarnation ? Qu’apporte-t-il effectivement à la France ? La question vaut plus que jamais d’être posée. Pour un peu de contexte, on se reportera à l’introduction de notre « vrai bilan », disponible ici : De quoi le CAC40 est-il le nom ?.
CAC40 et climat : un peu, beaucoup, passionnément, pas du tout
À l’occasion de la COP27 en Égypte, nous nous sommes attardés en particulier sur le comportement du CAC40 en matière de climat.
Les grandes entreprises françaises parlent beaucoup de leur engagement dans ce domaine, mais que disent les chiffres qu’elles rendent publics ?
D’abord, que le Covid a entraîné une baisse sensible des émissions du CAC40 en 2020, mais que celles-ci sont reparties à la hausse en 2021. Cette baisse s’explique essentiellement par la réduction du trafic aérien - affectant les émissions déclarées par les groupes qui construisent des avions, et dans une moindre mesure tous ceux qui ont dû réduire leurs voyages d’affaires. (Au passage, cela confirme que le transport aérien est bien un enjeu climatique central.)
Ensuite, que plusieurs des gros pollueurs du CAC40 ont continué à augmenter leurs émissions en 2020 et en 2021 en dépit de la baisse d’activité liée à la pandémie.
Enfin, et peut-être surtout, que sept ans après l’Accord de Paris, beaucoup de groupes du CAC40 ne sont toujours pas transparents sur leur véritable impact climatique. Ce ne sont pas les moindres : les banques (sauf le Crédit agricole) ne publient aucun chiffre sur les émissions occasionnées par leurs financements, Carrefour ne publie pas de chiffres sur sa chaîne d’approvisionnement, Stellantis n’est apparemment pas capable de publier une évaluation complète de ses émissions. Quant à TotalEnergies, ses émissions déclarées seraient sous-évaluées par un facteur de 4, selon les calculs de Greenpeace France.
Voir nos explications : Climat et émissions de CO2 : où en est vraiment le CAC40 ?
Parmi les questions qui ont occupé le devant de la scène durant la COP27, la fin des énergies fossiles a occupé une place de choix. L’enjeu a été une nouvelle fois évacué du texte issu des négociations. C’est le signe de l’influence politique du secteur pétrolier et gazier, mais aussi des soutiens dont il continue à bénéficier dans le reste du monde économique.
Nous en faisons la démonstration à propos du CAC40 en montrant que virtuellement toutes les entreprises de l’indice parisien ont des liens à la fois économiques et personnels (au niveau des dirigeants) avec TotalEnergies ou d’autres entreprises d’énergies fossiles. Cette analyse est à lire ici : Climat et émissions de CO2 : où en est vraiment le CAC40 ?
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Au moment même où s’achevait en Égypte la COP27 commençait à quelques centaines de kilomètres de là un autre événement planétaire qui en paraît comme l’antithèse : la coupe du monde de football.
Traitement infâme des ouvriers migrants sur les chantiers, impact climatique, répression... Il ne manque pas de raisons de s’indigner du « mondial de la honte » organisé au Qatar.
Comme souvent, l’indignation qui s’exprime dans les médias et dans la bouche de nos dirigeants se mêle à une forte dose d’hypocrisie. Les dirigeants et milieux d’affaires occidentaux sont souvent les premiers « facilitateurs » des régimes politiques décriés par l’opinion, comme on a pu le voir récemment en ce qui concerne la Russie ou le Brésil. C’est tout aussi vrai du Qatar, qui a fait de la France et de ses entreprises une cible de choix.
Quels sont donc les grands groupes français les plus présents au Qatar et les plus liés à son régime ?
Il y a bien sûr le groupe de BTP Vinci, impliqué dans plusieurs chantiers de la préparation de la Coupe du monde, dont le Qatar détient 4% et dont une filiale a récemment été mise en examen pour « obtention de la fourniture de services de la part d’une personne en situation de vulnérabilité ou de dépendance, avec une rétribution sans rapport avec l’importance du travail accompli », « soumission à des conditions de travail ou d’hébergement incompatibles avec la dignité humaine » et « réduction en servitude ».
Dans le même ordre d’idées, le groupe hôtelier Accor (dont le Qatar détient 11%) a lui aussi été pointé du doigt pour les conditions de travail chez ses sous-traitants.
Il y a aussi tous les autres qui ont profité directement ou indirectement de la frénésie de construction du petit émirat, notamment les grandes banques françaises, qui y ont investi plusieurs milliards d’euros.
Sans parler de tous les groupes dont les intérêts sont étroitement liés à ceux de l’émirat et à tout ce qu’il représente : l’exploitation des hydrocarbures (TotalEnergies, premier partenaire d’un gisement gazier qualifié de première bombe climatique mondiale), les inégalités criantes de richesses (LVMH, Kering, Hermès), les achats d’armement et d’équipements de surveillance (Dassault, Thales).
Lire notre article : BTP, armement, gaz, luxe... Quelles sont les entreprises françaises les plus engagées au Qatar ?.
En Bref
Carrefour et les colons israéliens. S’implanter en Israël vaut-il la peine de s’engager avec des entreprises impliquées dans la colonisation illégale des territoires occupés palestiniens ? C’est apparemment ce qu’ont jugé les dirigeants du groupe en signant un accord avec la société Electra Consumer et sa filiale Yenot Bitan. Accord dénoncé par un collectif de sept syndicats et associations dans un rapport que nous présentons dans cet article. Ciblés auparavant pour des raisons similaires, Axa et Orange avaient fini par renoncer à leurs partenariats contestés.
Un gouvernement accro au « secret des affaires ». Saisi par l’association Sherpa, le tribunal administratif a jugé que la liste des entreprises françaises soumises au règlement européen sur les « minerais de conflit » ne relevait pas du secret des affaires. Le gouvernement avait refusé de communiquer cette liste à l’association en invoquant ledit secret, introduit en France par une loi de 2018 (voir nos articles). Force est de constater que ce sont souvent des autorités publiques qui ont été le plus empressées à invoquer ce secret pourtant censé protéger les entreprises : sur les ventes d’armes, sur la certification des implants, sur la sécurité sanitaire dans les usines de Lactalis, ou encore sur les comptes de la fondation Louis Vuitton.
Banque françaises et Amazonie. Une coalition de cinq médias et ONG (Sherpa, Reporter Brasil, Disclose, Harvest et le Center for Climate Crime Analysis) révèle que les banques françaises - BNP Paribas en tête - participent au financement de la destruction de l’Amazonie à hauteur de plusieurs centaines de millions d’euros en soutenant des entreprises dont les méfaits sont pourtant avérés. Lire le rapport en anglais ici, et là les explications de Disclose. Nous avions déjà parlé de cette responsabilité européenne dans cet article : Les entreprises et fonds de pension européens impliqués dans la destruction de l’Amazonie.